“Algérie : entre statu quo et changement démocratique.” Tel est le thème d'une conférence organisée, mercredi soir, à Montréal par Médias Maghreb et Res Publica II. Le professeur Omar Aktouf, enseignant à HEC de Montréal, et le sociologue et cyberdissident Fodil Boumala ont développé, devant un public nombreux et intéressé, deux thèses qui, même si elles divergent sur les moyens de mise en œuvre, convergent vers une seule conclusion : la nécessité d'une rupture avec le système politique algérien. Intervenant en premier, M. Boumala dira que le pays est en panne politique. “Notre pays est en panne politique et son disque dur complètement virusé”, affirmera l'orateur, avant de s'interroger pourquoi l'Algérie, cinquante ans après l'indépendance, n'arrive pas à construire un état de droit. Pour lui, un régime qui repose sur une logique de clans et les coups d'état ne peut pas bâtir un état de droit. “Le régime, qui repose sur la violence et l'exclusion, est porteur de nihilisme, ne reconnaissant pas les valeurs fondatrices d'un état moderne”, expliquera encore Boumala. Continuant sa charge contre le pouvoir, le conférencier considère le statu quo comme un modus operandi qui vise à perpétuer le système érigé depuis l'indépendance. “L'Algérie n'a jamais réglé les grandes questions qui lui sont posées depuis l'indépendance”, fera-t-il remarquer, avant de noter que l'enjeu aujourd'hui reste la refondation de l'état ; refondation qui passe par un changement du mode de gouvernance. Bien plus, une rupture qui jetterait les jalons d'un état démocratique et social tel que conçu au congrès de la Soummam. En revanche, au niveau de la société, nuancera l'intervenant, les mentalités sont aussi à révolutionner pour qu'elles soient en phase avec le monde moderne. Le cyberdissident est allé jusqu'à reprendre à son compte le concept wébérien de “société en vrac” pour dire à quel point la tâche est ardue. Se voulant plus géopolitique, l'analyse du professeur Aktouf repose sur un postulat récurrent : les USA sont derrière les révoltes arabes. Selon Aktouf, les instances internationales ne savent plus quoi faire depuis la crise financière de 2008. Dans ce contexte, la crise algérienne soulève un problème de paradigmes. Pour lui, le peuple a été mis hors jeu dès l'indépendance. D'où la conclusion que les élections, dans pareil contexte, relèvent de “la politique spectacle”. Pourfendeur de l'ultralibéralisme devant l'éternel, Omar Aktouf dira que la politique économique menée en Algérie faite de rente captée par une minorité débouchera sur une impasse. Se voulant sentencieux, il déclare craindre un bain de sang si “l'impossible statu quo” est maintenu. Pour lui, une partie de l'élite militaire, les jeunes officiers notamment, peut jouer un rôle important pour dépasser ce statu quo. Le débat qui s'en est suivi a permis à l'assistance de soulever nombre d'interrogations et la manière, pour la diaspora, de contribuer au combat pour le changement démocratique. Revenant à la charge, Boumala dit attendre beaucoup de la nouvelle génération “qui échappe à la pollution du pouvoir”. “Elle constitue l'avenir, et l'avenir n'a jamais été une priorité nationale pour ce pouvoir”, martèlera-t-il, avant de paraphraser Churchill qui avait dit un jour : “Je m'intéresse à l'avenir car c'est là que j'ai décidé de passer le restant de mes jours.” Y. A.