Répondant aux récentes sanctions décidées unilatéralement par l'Union européenne, l'Iran a pris la décision symbolique d'arrêter ses livraisons de pétrole à la France et à la Grande-Bretagne. Les deux pays ont été ciblés parce qu'ils ont eu un rôle particulièrement dynamique dans la décision prise par l'Union européenne, en janvier dernier, de boycotter le brut iranien d'ici à l'été prochain. Outre l'embargo graduel sur le pétrole, l'UE a décidé de sanctionner la Banque centrale iranienne dans le but d'assécher le financement du programme nucléaire, qui est au centre du conflit. La riposte de Téhéran est néanmoins symbolique puisque sans impact notable sur les économies des deux pays. En effet, la France n'importe d'Iran que quelque 58 000 barils/jour, soit moins de 3% de sa consommation, tandis que la Grande-Bretagne a déjà quasiment cessé ses importations de brut iranien. Par contre, la décision de Téhéran, toute symbolique qu'elle soit, représente une menace sérieuse pour certains de ses gros clients européens à l'image de l'Italie, de l'Espagne et de la Grèce. L'Italie a importé en 2011 quelque 185 000 barils/ jour de brut iranien en 2011, soit 13% de sa consommation. Sur la même période l'Espagne a importé 161 000 barils/jour et la Grèce 103 000, soit respectivement 12 et 30% de leur consommation. Or, Téhéran menace sérieusement de cesser ses ventes de brut à ces pays qui se débattent déjà dans de graves difficultés économiques et financières. L'Iran ne semble pas, toutefois, se complaire dans cette situation qui risque, à terme, de l'étouffer financièrement et économiquement, avec ce que cela pourrait impliquer de difficultés sociales, voire politiques. Aussi le gouvernement tente-t-il de remettre l'action diplomatique à l'ordre du jour. Il a souhaité, dimanche, une reprise rapide des négociations sur son programme nucléaire avec les grandes puissances. Il attend donc la réponse à la lettre envoyée mercredi par le négociateur iranien, à la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, selon les propos mêmes du ministre iranien des Affaires étrangères. Le discours iranien en a pris de court plus d'un tant il semble conciliant et se démarque de l'attitude arrogante habituellement adoptée. Nous devons “trouver un mécanisme permettant une solution gagnant-gagnant pour les deux parties”, a déclaré le ministre iranien avant d'affirmer comprendre “la position de l'autre partie” et vouloir “lui donner la possibilité de sauver la face.” Les dirigeants américains et européens, à l'avant-garde des sanctions contre l'Iran, soupçonné de développer un volet militaire de son programme nucléaire, ont réservé un accueil prudent mais plutôt favorable à la lettre iranienne. Elle constitue “un geste important” et ne comporte “aucune condition préalable”, selon eux. Malgré les dénégations répétées de Téhéran, Israël, les Etats-Unis et plusieurs pays occidentaux continuent de soupçonner l'Iran de vouloir développer une dimension militaire de son programme nucléaire et des menaces de destruction de ses installations ont été publiquement exprimées et assumées, notamment par des dirigeants de l'Etat hébreu. La suspicion qui pèse sur son programme nucléaire a déjà valu au pays six résolutions dont quatre assorties de sanctions, renforcées unilatéralement par les puissances occidentales. Au moment où une nouvelle étape semble être franchie dans le bras de fer qui oppose l'Iran aux puissances occidentales, une délégation importante d'inspecteurs de l'AIEA s'est rendue lundi hier à Téhéran. Herman Nackaerts, le chef des inspecteurs de l'Agence, a déclaré attendre “des résultats positifs de cette visite” et s'est dit prêt à aborder tous les sujets en plus du volet militaire du nucléaire iranien dont l'existence est fortement soupçonnée. Pour autant, la tension ne baisse pas en Israël où on considère les sanctions contre l'Iran inopérantes. Ainsi, le ministre de la Défense, Ehud Barak, a déclaré à Tokyo qu'“il faut des sanctions paralysantes avant que les Iraniens n'entrent dans la zone d'immunité.” Par cette déclaration, il signifie que les Iraniens pourraient rapidement mettre à l'abri leurs installations nucléaires en les enfouissant profondément sous le site de Fordow. On retrouve le même ton chez le vice-Premier ministre, Sylvain Shalom, qui a insisté sur la nécessité de convaincre le régime iranien que la poursuite de son programme nucléaire ne garantira pas sa pérennité mais entraînera sa fin. Pour sa part, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'est contenté de qualifier l'Iran de “plus grand exportateur de terrorisme au monde et qui menace l'équilibre mondial.” M. A. B