Le dossier du nucléaire iranien revient de nouveau au-devant de la scène et provoque de grandes tensions entre Téhéran et Washington, mais aussi avec les autres capitales occidentales. Dans un bref communiqué, l'AIEA a, en effet, indiqué lundi dernier que l'Iran avait commencé la production d'uranium enrichi à 20% sur son site de Fordow. Ce site est enfoui sous une montagne et est difficile à détruire par d'éventuelles frappes, ce qui ajoute à l'inquiétude des pays occidentaux et d'Israël. L'enrichissement de l'uranium à 20% est un seuil critique, au-dessous duquel le combustible ne peut être utilisé pour la fabrication de la bombe atomique. Enrichi à 20%, il peut parfaitement convenir à un tel usage. Le site de Fordow peut contenir jusqu'à 3 000 centrifugeuses, alors que l'Iran en possède déjà 8 000 sur le site de Natanz. L'Agence précise que “tout le matériel nucléaire de l'installation reste sous (sa) surveillance”, mais cela ne semble pas rassurer Washington, Tel Aviv et d'autres capitales. Les Etats-Unis ont dénoncé “une nouvelle escalade dans la violation des obligations en matière de nucléaire de l'Iran”. L'Allemagne a évoqué “un pas supplémentaire dans l'escalade”, alors que la Grande-Bretagne a fait part de sa grande déception. Pour sa part, la France a dénoncé “une violation supplémentaire et particulièrement grave par l'Iran du droit international.” Israël a fait preuve d'une grande discrétion à ce sujet, un comportement inhabituel que d'aucuns ont interprété comme l'acceptation par l'Etat hébreu de la fatalité de l'arme nucléaire iranienne. Les autorités iraniennes restent pourtant constantes dans leurs dénégations. “Les installations d'enrichissement de Fordow ont été déclarées il y a deux ans à l'AIEA, qui a surveillé toutes ses étapes”, indiquent-elles, avant de préciser que “l'uranium enrichi à 20% sert à alimenter le réacteur de Téhéran qui sert à fabriquer des radio-isotopes nécessaires au traitement des maladies cancéreuses”. Toutes les négociations entre Téhéran et le groupe des 5+1 (Etats-Unis, Russie, Allemagne, France, Grande-Bretagne et Chine) portant sur la fourniture à l'Iran d'uranium enrichi à 20% ont échoué. C'est alors que ce pays s'est lancé dans un programme de production qui aurait déjà abouti, au grand dam de ces puissances. L'Organisation des Nations unies, qui craint que l'Iran n'ait assigné des objectifs militaires à son programme nucléaire, malgré ses dénégations répétées, a déjà fait voter six résolutions sur le sujet par le Conseil de sécurité. Quatre de ces résolutions sont assorties de sanctions pour tenter de faire renoncer Téhéran à son programme d'enrichissement. Sans effet, selon toute vraisemblance. Contrairement aux Occidentaux qui réclament d'autres sanctions, la Russie et la Chine s'y opposent. L'Europe, par exemple, est en train de mettre au point un embargo sur le pétrole iranien qui pourrait prendre effet dès la fin du mois de janvier. Cette énième polémique sur le programme nucléaire iranien intervient alors que les tensions étaient déjà vives, notamment entre Téhéran et Washington. Tension au sujet du détroit d'Ormuz que l'Iran a menacé de fermer alors qu'un tiers du trafic pétrolier mondial y transite, tension provoquée par la condamnation à mort d'un marine américain d'origine iranienne accusé d'espionnage au profit des Etats-Unis et tension, aussi, sur les ingérences plus ou moins avérées des mollahs dans la politique intérieure irakienne. Mais cela ne semble pas pour autant inquiéter le président Ahmadinejad, qui depuis Caracas où il était en visite officielle, ne s'est pas empêché de tourner Washington en ridicule. M. A. B