Le slam est un art qui repose sur des déclamations poétiques accompagnées le plus souvent par un fond musical, inventé par un Américain super futé pour rendre la poésie moins barbante -en d'autres termes plus cordiaux, moins élitistes ! Le phénomène est tel que beaucoup se retrouvent dans cette expression qui épouse parfaitement les préoccupations des jeunes et rend compte du malaise que vivent les jeunes parfois incompris, nouvellement instrumentalisés, et souvent à la recherche d'une place dans ce monde…en souffrance. En Algérie, le slam existe, et Slamyka se trouve être l'un des plus dignes représentants de cette expression artistique. À l'occasion de la sortie de son premier album Wech n'koul(composé de neuf titres et sorti chez Papidou éditions, le 16 février dernier), la formation Slamyka a animé, avant-hier soir à l'auditorium Aïssa-Messaoudi de la Radio algérienne, un concert où les textes “coup-de-poing” du slameur, Khaled Mouaki, se sont harmonieusement mêlés aux mélodies subtiles, délicatement dispensés par les neuf et brillants musiciens qui accompagnent le slameur (deux violonistes, trois percussionniste, un flûtiste, un guitariste, un bassiste, et un violoncelliste). Outre un slam improvisé en français à la demande du public (un duo voix/violoncelle), Khaled a revisité ses plus beaux slams, notamment Wech n'koul(morceau qui donne son titre à l'album, et qui est une composition dédiée aux mamans), Louken nehder(si je parlais), Lemraya(miroir), Sahra, Lyoum Tekhesri(un duo entre Khaled au slam et le guitariste Hamza), Sahraoui(un morceau instrumental), Mwalef wahdi(j'ai l'habitude d'être seul. Un titre dédié aux enfants battus), et Rebbi ykhellik(que Dieu Te garde). Les slams de Slamyka, écrit en arabe dialectal, empreints d'une grande ouverture d'esprit et d'une incroyable liberté de ton, comprennent les préoccupations des jeunes, et traduisent leur malaise, tout en racontant l'amour, les déceptions, l'attente et un certain dégoût d'une réalité sociale figée dans des clichés et des stéréotypes. Les slams sont autant d'histoires racontées avec un réalisme délicat où les angoisses contemporaines (place dans ce monde, rapport au passé et à l'avenir, la violence…) se dessinent, se déploient. Pour notre grand bonheur, la musique vient adoucir ces textes au verbe haut. Chez les Slamyka, la mélodie n'est pas accessoire, elle est l'élément qui nous rappelle combien il est important de relativiser dans ce monde intrinsèquement injuste. La prestation des musiciens, notamment des percussionnistes, a d'ailleurs été exceptionnelle. L'aperçu de l'album -qui a demandé un an et demi de préparation- est exquis, même si la musique était parfois distrayante, faisant oublier le texte. Mais quel bonheur d'écouter enfin un groupe qui prend son art au sérieux ! S K