Khaled Mouaki, auteur-interprète, leader du premier groupe de slam algérien Slamyka qui répond nos questions Liberté : Qu'est-ce que Slamyka ? Khaled Mouaki : Slamyka est un groupe de trois éléments amoureux du verbe, Aziz à la guitare sèche et compositeur, Mounia au violon et Khaled et moi-même au Slam. Avant que Mounia ne rejoigne le groupe, un certain Yacine jouait avec nous, le mot Slamyka vient de : slam qui est notre art et “YKA”, nos initiales (Yacine, Khaled et Aziz). Comment vous est venue l'idée de constituer un groupe de slam? J'écris depuis toujours sans avoir eu l'idée de former de groupe. D'ailleurs, je passais souvent à la radio pour déclamer mes textes (en a capela) sur Galaxie, entre autres, avec Hakim Lefgoum dans Radio El-Bahdja. Mais, je sentais qu'il fallait donner une autre dimension à mes déclamations. J'ai donc décidé d'introduire la musique. J'ai fait appel à Aziz, un ami de longue date et excellent guitariste, pour qu'il me fasse une compo sur un texte, Lyoum Té Khésri (aujourd'hui tu perds) et c'est ce qu'il a fait. Il a aimé ce j'ai écrit et j'ai adoré ce qu'il a composé, pourquoi ne pas continuer ? Nous avons fait appel à Yacine, un autre ami guitariste (soliste), pour renforcer musicalement le groupe et c'est à ce moment-là, il y a 4 ans, que Slamika est né. Slamika est né, mais il a subit quelques changements dans la composition du groupe avec un départ et une arrivée. Oui, Yacine a quitté le groupe à la suite de soucis personnels. À l'époque, nos spectacles étaient typiquement acoustiques, je projetais déjà d'intégrer un violon dans le groupe. J'ai fait appel à Mounia par le billet du groupe Dzaïr (c'est Hakim, le leader, qui me l'a présentée), je voulais à tout prix avoir une fille dans le groupe et pas un homme, pour donner une autre âme et une douceur à tout ce qu'on fait. La fusion a opéré, l'osmose entre les musiciens s'est instauré naturellement, c'était exactement ce que je voulais. Que représente le slam pour vous ? Le slam c'est une magie de l'art lyrique, à base de mots pacifiques, attirant pour les nostalgiques, dont le plaisir est spécifique… Le slam, c'est des mots rimés, par des sensations rythmées, par des esprits qui savent aimer… Et des cœurs heureux d'aimer, c'est ça le slam pour moi ! (la réponse était en slam, ndlr). Qu'est-ce que ça fait d'être les premiers à faire vivre cet art en Algérie ? C'est très lourd comme responsabilité. Personnellement, j'ai peur de ne pas offrir une longue longévité à cette beauté. Si ça arrive, je ne pourrai pas l'accepter, je fais donc mon possible pour que ça n'arrive pas. Depuis votre création, d'autres formations ont vu le jour tel que le groupe sétifien Rime-urbaine qui fait du slam dans la pure tradition, qu'en pensez-vous ? C'est une très bonne initiative, c'est un plaisir d'entendre qu'il y a une autre groupe qui a fait son apparition en Algérie, sauf que j'aurais préféré qu'ils slament en algérien. Pourquoi importer une chose qui existe déjà ailleurs, moi j'aime la nouveauté ; slamer en algérien aurait été nettement mieux. Le slam est certes un mot nouveau en Algérie, mais il existe depuis très longtemps, c'est de la poésie déclamée, mais nous, nous le faisons avec nos mots et notre style. Je slam en algérien pour préserver notre dialecte parasité par des mots qui ne nous appartiennent pas. Quels sont les thèmes que vous abordez ? J'écris des textes sociaux pour la plupart, parce que c'est ce qui nous interpelle au quotidien, on ne peut pas y échapper. J'abord tout ce qui proche à l'être humain, tout ce qui lui fait plaisir, tout ce qui le rend malheureux et tout ce qui le secoue aussi. Je slame la vie, des traches de vie et des histoires qui sont inspirées de faits réels. Par exemple, dans ma chanson Loukène Neqder (j'aurais pu) qui parle d'el-harraga, j'entre dans l'histoire et j'en deviens l'acteur : nous sommes dans une barque, nous sommes euphoriques et anxieux à l'idée d'atteindre la terre promise, avec, dans nos cœurs, l'espoir d'une vie meilleure. Soudain, le vent, les vagues, la tempête…, c'est alors que je slame les images de ma familles, de mes amis de ma vie qui défilent sous mes yeux tendis que mon corps coule vers le fond. Après 4 ans d'existence, vous préparez enfin votre premier album, nous voulons tout savoir… Le titre de l'album est M'raya (le miroir), c'est aussi le nom d'un titre de notre album, l'histoire d'un type qui avait tellement de questions à poser que, ne trouvant personne à qui le faire, a préféré s'adresser à son miroir. Ses questions étaient tellement fortes, intenses et percutantes, que le miroir a fini par exploser. L'album produit par Factory Corp sortira dans trois mois Inchallah. C'est le fruit de 2 ans d'un travail minutieux, il est composé de huit morceaux où il est question d'amour, de drogues, de familles, de trahison, des délices de la société et bien d'autres sujets. Des scènes sont évidement prévues pour la promotion de l'album dès sa sortie, avec quelque chose de grandiose je l'espère, comme nos chansons sont scénarisées, des mise en scène vont venir enrichir nos spectacles. Ne pensez-vous pas que le slam en Algérie, tout comme le rap, ne devienne une musique populaire, mais cachée de par son franc parlé ? J'espère qu'il ne subira pas ce sort là, parce que je pense que le slam est un peu plus percutent que le rap. J'ai une certaine inquiétude, c'est clair, mais c'est à nous de faire en sorte que le slam soit plus médiatisé pour qu'il ait sa place sur la scène musicale algérienne. Nous faisons notre possible pour faire connaître cette musique, parce qu'on l'aime et on la respecte énormément, c'est pour ça qu'on le défend. Propos recueillis par Ziad Achour