Récital - Il s'agissait d'une performance à la fois musicale et, surtout, textuelle assurée avec brio par la jeune formation Slamyka. Celle-ci a interprété les titres de son album récemment sorti chez Padido et qui s'intitule Wech n'qoul ! (Que dire !). Comme son nom l'indique, le groupe fait du slam. Dans sa prestation oratoire, un jeu privilégiant la verve verbale, Slamyka a fait preuve d'une étonnante saveur poétique. C'était du slam typiquement de chez-nous, ancré dans notre tradition orale, dont Slamyka a généreusement gratifié le public qui, assurément, a bien apprécié le jeu oratoire de Khaled Mouaki (leader du groupe) ainsi que l'accompagnement musical qui s'est voulu impeccable. C'est donc en arabe dialectal que Khaled, pareil à un poète, a sublimement et subtilement déclamé des textes soutenus et riches en sens : il s'agissait de textes poignants parlant d'amour, d'amitié, de déception, de «harga» (immigration clandestine) ou encore d'alcoolisme et de violence en milieu familial, autant de sujets tirés du quotidien ordinaire de chacun.Après un prélude musical, et sous un éclairage tamisé, dénotant un travail d'orchestration recherché, Khaled a fait son entrée sur scène, et, aussitôt, il a entamé son slam. Il a déclamé, d'une voix franche, sa poésie dépouillée de tout élément ostentatoire. C'était bien et simplement dit, naturellement récité. En effet ce sont des poèmes dits simplement, sans emphases ni artifice, seulement avec le cœur et avec une forte charge émotionnelle. Ce sont des poèmes qui nous venaient effectivement du cœur, des tréfonds de l'âme. Il y avait également de l'amour et le sentiment du partage. Chaque texte dit, c'était le cœur qui parlait, des sentiments qui s'exprimaient avec autant de sincérité que d'intensité verbale. Le verbe était pertinent, fort, éloquent ou fin et d'une profondeur saisissante. L'expression était persuasive, concluante tant l'éloquence verbale était au point. Le jeu oratoire était donc d'une finesse et d'une élégance séductrices. La voix, aussi bien porteuse qu'attachante, révélait une grande sensibilité du poète, touché et attentif aux petites choses de la vie et à ceux qui l'entourent. Slamyka racontait, l'instant d'un récital, et à travers sa poésie, des mots qui s'aiment entre eux, qui se rejoignent dans des textes rimés et au rythme accrocheur afin de venir à nous pour nous dire tout le ressenti. L'accompagnement musical était joliment suggéré : les notes étaient appropriées aux textes. Cela montrait un mélange de sonorités authentiquement inspirées du terroir (gnawi, sahraoui, targui…) et d'autres revêtant un accent moderne, le tout se dévoilant dans une formule convenablement et agréablement proposée. Musique et texte se fondaient alors dans une parfaite harmonie, tous deux marqués par une rhétorique qui ne faisait que ravir. C'était un moment de partage, de liberté d'expression. A les entendre, les poèmes prenaient un élan théâtral grâce à l'interprétation naturelle de Khaled Mouaki qui, au-delà de la déclamation, parvenait à leur donner vie. Chaque poème faisait de l'effet et donnait l'impression de vivre la réalité qu'il véhiculait.