À l'heure où l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) commémore son 56e anniversaire, cet ouvrage vient compléter le tableau, sinon l'œuvre déjà entamée par deux grands syndicalistes, à savoir Boualem Bourouba et Lakhdar Kaïdi. Abdelmadjid Azzi a tenu parole et revient avec un nouveau livre de 460 pages : Le mouvement syndical algérien à l'épreuve de l'Indépendance, édité aux éditions Alger-Livres. Auteur d'un travail de mémoires de guerre intitulé : Parcours d'un combattant de l'ALN Wilaya III (éditions Mille-Feuilles, Alger 2010), dont la version arabe a été publiée en 2011 par les éditions Alger-Livres, M. Azzi nous livre un autre combat qu'il a mené au sein des syndicats UGTA, au lendemain de l'indépendance politique de l'Algérie. Et l'intérêt majeur de ce livre réside justement dans le fait qu'il émane d'un militant à la fois témoin et acteur, qui vient compléter le travail entamé précédemment par deux grands syndicalistes, aujourd'hui décédés, Boualem Bourouba et Lakhdar Kaïdi. L'ouvrage en question est préfacé par Tahar Gaïd, membre fondateur de l'UGTA et ancien diplomate. Ce dernier signale que les témoignages vivants de Abdelmadjid Azzi nous plongent dans “le contexte des premiers pas de la reconstruction du syndicalisme algérien, au cours des premiers moments de l'Indépendance, en particulier de la Centrale syndicale, l'Union générale des travailleurs algériens”. Dans son livre, l'auteur, s'imprégnant de la démarche pédagogique, avance pas à pas et nous parle avec des mots faciles de ce qu'il a vécu et observé, des syndicalistes qu'il a rencontrés sur son chemin, dans l'Algérie nouvellement indépendante. Inscrivant son activité dans le contexte politique de l'époque, il se remémore ainsi les “événements engendrés par la douloureuse crise de 1962” et “ses déchirements”, “le coup d'Etat du 19 juin 1965” et “ses conséquences sur le mouvement syndical”. Sans oublier la répression qui a suivi la “tentative du colonel Tahar Zbiri, le 14 décembre 1967, de renverser le président Boumediene”. D'autres grands moments sont relatés, comme “la refondation de l'UGTA” via Kaïd Ahmed, à partir de 1968, “la nationalisation des hydrocarbures”en février 1971. Dans son avant-propos, l'auteur s'explique sur le choix du titre du livre. Celui-ci est “évocateur”, nous dit-il, du quotidien vécu depuis l'Indépendance “où l'UGTA, à cause du rôle important que lui reconnaît l'histoire, est à chaque fois obligée d'opter entre l'obligation d'appuyer la politique du pouvoir et celle de conserver la confiance des travailleurs, en soutenant leurs légitimes revendications”. Mais, comment concilier ces deux exigences ? Pour Abdelmadjid Azzi, il s'agit d'un “exercice difficile que les syndicalistes ont néanmoins accompli en toute conscience, souvent au prix de profonds déchirements et de grands sacrifices”. L'aventure syndicale de Abdelmadjid Azzi commence, il y a 50 ans, à Alger, dans les chemins de fer, alors qu'il avait 25 ans. C'est là où il s'est “imprégné du syndicalisme véritable, en côtoyant les plus chevronnés qui ont su lui transmettre les principes et les valeurs qui ont fait la gloire du syndicalisme algérien”. À partir de 1966, il sera promu secrétaire de la Fédération des cheminots, puis élu, 2 ans plus tard, secrétaire général, avant d'être réélu secrétaire général adjoint de l'UGTA en 1974. Une mise en garde contre les effets nuisibles de l'oubli Dans Le mouvement syndical algérien…, l'auteur rappelle avec exactitude “la préparation et le déroulement” des travaux des cinq premiers congrès nationaux de l'UGTA et des quatre premiers congrès de la Fédération nationale des cheminots. La partie consacrée à son activité au sein du parti FLN, notamment en sa qualité d'élu dans la première Assemblée populaire nationale (1977-1981) est également narrée dans “tous ses aspects” et enrichie de nombreux passages anecdotiques. Le livre est divisé en trois grandes parties, consacrant la première à l'historique du mouvement syndical algérien. Celui-ci, assure l'auteur, a, à son actif, “une longue et riche histoire” qui a commencé bien avant 1956. La création de l'UGTA, le 24 février 1956, “est l'aboutissement indéniable de plus de 66 ans d'action militante continue, qui se situe de plain-pied dans l'ensemble du phénomène syndical africain et plus particulièrement maghrébin”, poursuit-il. D'importants rappels sont également fournis sur les syndicats constitués en Algérie à l'époque (sous l'égide de la CGT, créée en 1895). Par ailleurs, des précisions sont apportées sur l'objectif d'algérianiser l'organisation syndicale l'UGSA, d'une part, et sur la création de l'USTA “soutenue essentiellement par les messalistes”, qui aurait finalement précipité la constitution de l'UGTA, de l'autre. Enfin, les annexes proposées sont véritablement un travail de recueil d'informations, fort précieux pour les militants syndicaux et les historiens : composition de la direction de l'UGTA élue le 24 février 1956, “situation morale” de l'UGTA, composition de la direction de la Fédération des cheminots (du 1er congrès au 4e congrès), liste des membres du secrétariat national de l'UGTA (du 1er congrès au 5e congrès), série de photos immortalisant un pan de notre histoire syndicale et politique. Sans prétendre écrire l'histoire complète de toutes ces années, l'auteur veut apporter sa pierre, “en racontant la manière dont j'ai traversé certaines de ces périodes et en rapportant, y compris sous forme d'anecdotes, les moments les plus mémorables de mon itinéraire syndical et politique”. Concernant “l'image peu reluisante” que présente l'UGTA d'aujourd'hui, M. Azzi écrira que “les valeurs qu'elle s'était acharnées à défendre et qui ont fait sa gloire, se sont peu à peu délitées par l'aveuglement de responsables coupables d'avoir sacrifié les aspirations de leurs mandants pour satisfaire des besoins bassement matériels”. Un autre constat est établi, celui du “recul du mouvement syndical”, depuis 1962, se traduisant par “des règlements de comptes et l'élimination ou la marginalisation de militants et un appauvrissement de l'élite syndicale”. Au militant syndical de plaider pour la réanimation de l'UGTA et la préservation de l'unité syndicale, y compris avec les syndicats dits autonomes. “Nous avons, dès le lendemain de l'Indépendance, fait preuve d'honnêteté, d'abnégation et déployé des efforts inestimables (…). C'est pourquoi, nous devons prendre garde, en nous préservant des effets pernicieux de l'oubli”, conclut-il. Abdelmadjid Azzi n'est pas à son dernier livre. Son prochain ouvrage portera sur la période ayant suivi la fin de son mandat de député, en 1982, où il a eu à diriger l'Institut supérieur de formation ferroviaire et le département des activités sociales dans les chemins de fer, avant de créer avec d'autres syndicalistes retraités la Fédération nationale des travailleurs retraités (FNTR) et plus tard, la Fédération des travailleurs retraités arabes (FTRA). Un grand bravo ! H A