Il est inconcevable qu'un responsable syndical cumule une responsabilité partisane. Le mouvement syndical algérien à l'épreuve de l'Indépendance est le titre du deuxième livre à paraître sous la signature de Abdelmadjid Azzi. L'impression de l'ouvrage qui sera disponible dans les librairies dès aujourd'hui a été confiée à Alger-Livres éditions. Sur 437 pages, l'auteur n'épargne aucun détail sur la vie syndicale depuis l'Indépendance aux années 1990. A la fin de son parcours de militant, si tant est qu'il y a une fin, Azzi s'est chargé de la Fédération nationale des travailleurs retraités. Son combat, il l'avait débuté au sein de la Sntf. Les cheminots se sont posés pendant longtemps comme le fer de lance du militantisme syndical et ils continuent d'ailleurs de bloquer les trains pour maintenir leurs acquis et arracher de nouvelles victoires. Une description détaillée de l'ambiance qui régnait au sein de la classe ouvrière est livrée par l'auteur. Dans le livre, on peut même lire des témoignages de deux autres acteurs incontournables de la vie partisane et syndicale des premières années de l'Indépendance. Tahar Gaïd, membre fondateur de l'Ugta a écrit la préface du livre alors qu'un rapport signé par Ahmed Kaïd, responsable de l'appareil du parti FLN, est reproduit en annexe. De tumultueuses relations ont caractérisé le couple Ugta-FLN. Azzi écrit: «Souvenons-nous. En 1962, nous préconisions l'autonomie à l'égard du FLN qui est devenu par la suite parti unique». Pourquoi cette farouche volonté? L'explication est historique. Les Algériens membres de la CGT ont subi tous les méfaits de la mainmise du parti communiste français sur l'organisation la plus représentative «et ne veulent donc plus revivre la même distorsion». Sous quelle formes se présente le problème dans les temps présents? Abdelmadjid Azzi répond. Il trouve inconcevable qu'un responsable syndical cumule une responsabilité partisane quelconque sans prendre le risque d'une soumission totale à la volonté de son parti, le plus souvent au détriment des intérêts de son organisation. Mais depuis 1962, c'est à un recul de l'indépendance de l'Ugta qu'a assisté Azzi. «Il faut savoir que chaque congrès, depuis 1962, a marqué le recul du mouvement syndical et la diminution de la confiance accordée à ses dirigeants», est-il écrit. Réglements de compte et marginalisation des militants sont aussi parmi les tares du syndicalisme en Algérie. Conséquence logique: l'appauvrissement de l'élite. A aucun moment, les pouvoirs qui se sont succédé n'ont voulu d'une organisation syndicale puissante et représentative. Abdelmadjid Azzi ne tarde pas à constater que l'Ugta était devenue un simple appendice du parti. Cela ne l'a pas empêché de se battre pour imposer ses idées et sa conception, avec un groupe de militants, d'un syndicalisme libre de toute tutelle. C'était difficile lorsqu'on sait que la plupart des membres du syndicat sont aussi au parti. Flash-back: on est à la veille de la Seconde Guerre mondiale. La volonté des syndicalistes de s'affranchir de tutelle est exprimée violemment par la grève de Azzaba (ex-Jemmapes). Lors de cette période, dockers, cheminots, instituteurs et postiers étaient à l'avant-garde du combat. Ce dernier fut de courte durée. Le gouvernement français interdit la CGT, le PPA, le PCA et l'Association des Oulémas. C'est-à-dire tous les espaces d'expression ouverts aux Algériens. C'est la guerre. Suivie de peines de prison et d'isolement dans des camps de concentration. 1944: les Algériens sont autorisés à diriger des syndicats. Mais il n'y a pas encore de syndicat algérien indépendant des centrales françaises. Neuf ans plus tard, en 1953, une séparation de fait s'opère avec la CGT. En 1954, on aboutit à la création de l'Union générale des syndicats algériens. Les messalistes avaient leur Union syndicale des travailleurs algériens dès le 16 février 1956. Quelques jours avant la création de l'Ugta. Dont nous fêterons bientôt l'anniversaire.