Deuxième court métrage, deux prix au dernier festival du court-métrage de Clermont-Ferrand. Le film est adapté d'une nouvelle écrite en 2006. Une approche osée, et une vision réelle d'une société en mal de vie. Liberté : Dans votre film, Habssine ou mollement un samedi matin, la victime du viol ne renvoie pas à la femme algérienne, mais à l'Algérie… Sofia Djama : En effet, il s'agit du viol de l'Algérie, de sa jeunesse qu'on malmène. Une jeunesse qui ne parvient plus à désirer, à rêver, à envisager le plaisir, à se projeter. C'est de cette douleur dont je parle, c'est ce qui fait de nous inévitablement de jeunes désillusionnés, en proie à la violence et à la déception, et surtout à l'incapacité de se construire. Au mieux, on va avoir des enfants qui vont rêver à être concessionnaires ou importateurs, voilà la génération que le système a fabriquée. Pourquoi avoir choisi une actrice française et non algérienne ? Il était question d'Adila Bendimerad avec qui j'aurais pris plaisir à travailler. Elle portait le personnage depuis quelques mois. Puis elle a été distribuée dans une adaptation moderne des Mille et Une Nuits par Tim Supple et les dates de tournage ne correspondaient plus. Suite à cela, les réponses des autres comédiennes étaient souvent décevantes, elles encourageaient le projet, mais ne l'assumaient pas socialement, c'est un constat très grave sur la perception du métier de comédien par la société et par les comédiens eux-mêmes ; une forme d'autocensure. Faute de temps, j'ai dû me résoudre à faire un casting à Paris. J'ai néanmoins travaillé avec des comédiens géniaux et surtout généreux, Aziz Zerghib, Kader Affak, Samir El Hakim, Kamel, Mehdi... Et j'aimerais vraiment remercier l'équipe algérienne, notamment l'équipe technique qui a été super patiente avec moi, c'était mon second court, que j'ai affronté avec parfois beaucoup d'inquiétude et d'angoisse, et la difficulté d'une comédienne qui ne parlait pas un mot d'algérien mais qu'on a tous coachée pour qu'elle ait un accent algérien le plus crédible possible. Vous dites que votre film est “une série de clichés compulsifs”… “Une série de clichés compulsifs” est le retour que j ai eu de certains. On m'accuse même de faire un film pour plaire à la France, j'avoue que ça me fait rire doucement, tant le propos est ridicule et ne fait pas sens pour moi, c‘est aussi ridicule que dire : “ça reflète une mauvaise image de l'Algérie”, comme si on devait faire des films “carte postale” de l'Algérie, ça c'est le boulot de l'ONAT. Ce film est une fiction et pas un documentaire ou reportage, je raconte une histoire et il se trouve que je me laisse imprégner par ce que je vois, ce que je vis, ce que j'entends. J'ai voulu raconter cette histoire-là. Elle peut plaire ou pas... Désormais, l'interprétation ne m'appartient plus, je l'ai livré au spectateur, il en fera ce qu'il voudra. A. I.