Projeté d'abord en France (deux fois) le film qui a tant fait parler de lui bien avant son visionnage à Alger, a été enfin projeté la semaine dernière dans le cadre du ciné-club de l'association Chrysalide. Un soir, Myassa est victime d'un violeur qui bande mou. Rentrée chez elle, une fois de plus, la plomberie est défaillante et elle ne peut pas se doucher. Le lendemain, Myassa a deux priorités: porter plainte et trouver un plombier. Mais la revoilà face à son violeur... ceci est le synopsis de ce court métrage de 26 minutes intitulé, Mollement, un samedi matin. Si l'on commence à le décoder, ce nom pas du tout fortuit, renvoie certainement à ces tentatives de manifestations avortées dans l'oeuf qu'ont connues les Algériens (Algérois) l'an dernier chaque samedi (fameux week-end de protestations endimanchées qui amusaient un peu une partie de nos voisins tunisiens et l'on comprend aisément pourquoi). Myassa est une fille algérienne ordinaire, elle sort tard le soir, on ne sait pas d'où elle vient, elle prend un taxi et au chauffeur qui la toise et lui demande ce qu'elle fait à cette heure-ci de la nuit, elle répond qu'elle travaille dans les imports et qu'une réunion a pris beaucoup de temps. Arrivée devant l'ascenseur de son immeuble, elle se fait agresser par un jeune à la gueule d'ange, campé par Mehdi Ramdani qui n'arrive pas à aller jusqu'au bout de son acte. Un acte manqué... Manque de pot encore, le robinet de l'appart de Myassa est sec. Le lendemain matin, Myassa décide d'aller au poste de commissariat pour porter plainte. Après maintes supplications faites à l'adresse d'un policier complètement indifférent à son désarroi, il la laisse aller voir son supérieur qui, après l'avoir à peine écoutée, il lui rétorque: «Votre histoire ne tient pas debout!» c'est le cas de le dire ici. Le commissaire de police, alias Kader Affak, tente de calmer la demoiselle et justifier l'acte du jeune homme en imputant sa frustration sexuelle au chômage, à la hogra sociale, et la misère économique notamment, tout en redorant le blason à la virilité de sa gent masculine. Myassa repart bredouille. Installée dans un bar, elle découvre son agresseur. Ayant pris peur au départ, elle revient de nouveau et lui jette un paquet de viagra entre les mains. Entre-temps, Myassa fait ramener dans son appartement un plombier qui, par pudeur de ne pas entrer seul dans une maison où il y a une femme, amène avec lui sa petite fille. Aussitôt parti, l'assesseur lâche. Mais l'eau elle, s'entête à couler de nouveau. Qu'à cela ne tienne! Myassa l'obstinée, révoltée un tantinet naïve mais déterminée, n'a pas gagné la guerre mais a gagné une bataille contre la peur et la résignation car sachant tenir tête à la malchance, bravant tous les obstacles jusqu'aux idées obtuses qu'elle croit autour d'elle, en étant elle-même, un rien insolente, rebelle mais vraie. La scène finale du film nous plonge dans est un vrai bol d'oxygène malgré toutes les vicissitudes et galères qu'elle a eu a affronter et qu'elle continue bon gré mal gré à affronter au quotidien. Un large plan intérieur, montrant Myassa adossée à la fenêtre de son balcon, avec une perspective sur l'horizon, est une belle invitation à l'espoir et à la foi en un avenir meilleur pour peu qu'on casse les chaînes du silence, de la passivité complice et de la peur. Ecrite en 2006, l'histoire est d'abord une nouvelle avant de se transformer en scénario en 2010 et adaptée à l'écran et réalisée en 2011 grâce à Arte CNC et Praxis production. D'ailleurs, Mollement, un samedi matin concourt dans la catégorie nationale au prochain et prestigieux Festival international du court métrage à Clermont-Ferrand. L'affiche du film de Sofia Djama, bien adapté, résume bien le malaise social dans lequel baigne notre société (le pont de suicidés du Télemly. Aussi, avec un titre en arabe, «Habssin» à double sens (prisonniers et bloqués) ce choix est une bonne trouvaille. A Myassa vont arriver moult crasses en à peine une journée. Certains taxeront ces situations de clichés et pourtant bel et bien ancrées dans notre réel que d'aucuns considèrent presque comme des choses «normales», car banalisées. Ce à quoi justement se «soulève» Sofia Djama et souligne grandement dans son film en opposant son personnage féminin à ce genre de mentalité obsolète, faite de renoncement et de mollesse. Un cumul de galère ou de «violence», qualifiés par beaucoup de clichés qui peuvent «déréaliser» le propos du film mais entièrement «assumés» par la réalisatrice. Celle-ci a affirmé, lors du débat, que «le seul manichéisme, s'il existe se situe au niveau du plombier qui représenterait le système. Ce n'est pas un film contre les hommes. Le commissaire de police ne veut plus croire à ce système, en même temps il le soutient, il dénonce ce qu'il a provoqué. La femme rencontre souvent des difficultés, le cliché a voulu que je la mette dans un bar. Mollement, un samedi matin est plutôt une histoire d'amour avortée..» Et de confier un peu plus loin: «Le viol de l'Algérie existe. L'agresseur est un jeune que le système a violé et méprisé.» Ce système serait-il donc nous tous? Du plombier au policier, du taxi et consort? Un dérèglement social, en effet, qui ne dit pas son nom car tombé dans la «normalité» la plus plate. Et de renchérir: «Tout le monde est victime du système, aussi bien Myassa que les hommes, ils sont dépassés par une réalité qui les a amenés à défaillir. Ce n'est pas un film sur le viol ni un film féministe. Le viol est juste un prétexte pour dénoncer le malaise et la détresse de notre société. En fait, tous les personnages du film, victimes ou bourreaux, sont pris en otage d'une pression..» Saurons-nous donc réagir un jour, à temps ?