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Au lendemain du terrorisme, nous avons choisi la mollesse comme alternative de vie
5 questions à Sofia Djama. Réalisatrice
Publié dans El Watan le 14 - 10 - 2011

Dénoncer l'inertie et la résignation de la société algérienne, voilà l'objectif de Sofia Djama dont le premier court métrage, Mollement un samedi matin, sera diffusé sur Arte en janvier.
l Mollement un samedi matin est, à la base, une nouvelle. Qu'est-ce qui vous a donné l'envie d'en faire un court métrage ?
En écrivant la nouvelle, je l'ai trouvée très visuelle. Par ailleurs, j'ai depuis toujours eu le désir de faire du cinéma. Je me suis donc dit que si un jour je devais faire un film, ça devait être Mollement un samedi matin.
- Cette histoire est très critique vis-à-vis de la société algérienne…
Le film parle de résignation, la pire des violences que nous vivons quotidiennement et dont la société algérienne s'accommode. Il s'agit de cette affreuse inertie qui envahit tout le monde dans une Algérie en crise. Le ridicule de ce viol raté me permet d'adopter un angle de vue qui mettra en exergue le sujet du film : l'effondrement de la société. A l'instar du reste de la société, Myassa se contente de survivre sans vraiment se rebeller, car de mémoire collective, nous gardons un souvenir douloureux de notre dernière révolte. Au lendemain du terrorisme qui a endeuillé toute une nation durant plus d'une décennie, nous avons choisi la mollesse comme alternative de vie, renonçant ainsi à l'épanouissement, à la volonté d'accomplissement de soi, afin de préserver le peu d'énergie qui nous reste et à le consacrer à nos besoins vitaux.
- Vous avez tourné à Alger ?
Oui, car la topographie de la ville, posée sur une corniche tournant le dos à la mer, ne peut qu'accentuer un sentiment insupportable d'étouffement. C'est une ville cash dont il est question : ce qui est beau le restera, mais ce qui ne l'est pas ne sera pas magnifié. Pas question d'enjoliver ou d'embellir par des choix de cadrage ou de traitement, ni à l'opposé, d'enlaidir pour montrer un côté misérabiliste pour attendrir ou choquer le public. Le pari est de filmer une ville qui ne ment pas, tantôt violente, tantôt indolente. L'image sera brute, crue, sans artifice. Pas question de couleurs éclatantes et chaudes qui puissent adoucir le ton. Les lumières matinales seront éclatantes pour devenir plus ternes et plus opaques au fur et à mesure de l'évolution de Myassa. Je vais aussi tenter de mettre en image la place de la femme dans la rue, cet espace masculin. Les femmes, contrairement aux hommes, seront filmées comme des ombres, la plupart du temps de dos. Elles sont les seules à ne pas errer dans la ville, leur pas est décidé. Myassa, elle, arpentera la ville comme une balade.
- Vous abordez dans votre film un sujet sensible. Avez-vous rencontré des difficultés au moment du tournage ?
Concrètement, mon souci a été de trouver des producteurs algériens. Je tenais à ce que mon court métrage soit une coproduction algéro-française. Le film a eu un premier producteur qui était très bien, mais aussi trop débordé, puis un autre qui voulait apporter des modifications à mon scénario. Il en était bien évidemment hors de question. Mon producteur délégué Praxis Film et moi avons fini par trouver ma productrice exécutive en la personne de Aïda Kabouya et j'ai pu commencer à tourner Mollement un samedi matin. L'autorisation de tournage nous a été accordée au bout de quelques jours et j'ai pu mener mon projet à bien, entre autres grâce à l'Etusa et à la SNTF qui nous ont prêté leurs locaux.
- Y a-t-il une projection de votre court métrage prévue à Alger ?
Je monte en ce moment mon film. Il devrait être prêt en octobre et j'espère pouvoir le projeter à Alger dès le mois de novembre. Il sera aussi diffusé sur Arte au mois de janvier prochain.


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