Mikhaïl Saakachvili, le dirigeant de l'opposition géorgienne qui a mené le mouvement de contestation ayant abouti à la démission de l'ex-président Edouard Chevardnadzé, était dimanche l'homme le plus populaire de Géorgie. “Micha ! Micha !” criaient des milliers de Géorgiens à Tbilissi après l'annonce de la démission du “vieux renard” du Caucase. Si au cours des dernières années, l'ex-président Chevardnadzé a scandalisé ses compatriotes en collectionnant les villas luxueuses, Mikhaïl Saakachvili les a impressionnés en aidant les pauvres de Tbilissi à réparer leurs toits. Il était alors à la tête du conseil municipal de la capitale, où vit un tiers de la population géorgienne et tentait d'améliorer “concrètement” la situation des Géorgiens. À l'époque, il avait aussi réparé des ascenseurs. Et relevé de 22% le niveau misérable des retraites. Depuis les législatives controversées du 2 novembre, “truquées” aux yeux de l'opposition, des observateurs internationaux et des gouvernements étrangers, Saakachvili mène la contestation avec pour objectif la démission du président. Il a promis au pays une “révolution de velours” sans effusion de sang et s'évertue depuis des semaines à parler au nom de “toute la Géorgie”. Après trois semaines de mobilisation, Saakachvili a finalement jugé vendredi que le “jour de la révolution pacifique” était arrivé. “Démission !” criait-il samedi en investissant le parlement avec les protestataires et en fonçant vers Edouard Chevardnadzé, venu ouvrir la session de la nouvelle assemblée et contraint de quitter précipitamment les lieux. Le président Chevardnadzé quittera le pouvoir comme le général Charles de Gaulle, pacifiquement, ou comme le président yougoslave Slobodan Milosevic, après un soulèvement populaire, mais il partira de toute façon, a prédit Saakachvili mardi dans la presse russe. “Il a deux solutions : partir comme De Gaulle ou comme Milosevic. Il n'a plus le droit de rester et de gouverner comme avant”, a-t-il déclaré au quotidien Vremia Novosteï. Âgé de 35 ans, c'est aux Etats-Unis qu'il a fait ses études d'avocat. Il maîtrise parfaitement l'anglais. Après avoir travaillé quelque temps dans une entreprise new-yorkaise, il est revenu en Géorgie en tant que protégé et rapidement leader de l'ancien parti d'Edouard Chevardnadzé, l'Union des citoyens. Puis il est devenu ministre de la Justice en 2000. Mais ce réformiste radical et pro-occidental s'est rapidement senti mal à l'aise au sein d'un gouvernement qu'il juge miné par la corruption. Saakachvili n'a cessé de dénoncer la corruption des responsables du régime, qui se sont enrichis alors que plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (54% selon les chiffres de la Banque mondiale). Il est allé jusqu'à brandir en pleine réunion ministérielle des documents et des photos montrant de splendides résidences acquises, selon lui, par des ministres corrompus. Mais Edouard Chevardnadzé ne l'a pas soutenu et Saakachvili a finalement démissionné l'an dernier, pour fonder son propre parti. Il est vite devenu l'un des leaders de l'opposition critiquant avec le plus de force le régime en place. Dénonçant le désordre qui règne, selon lui, en Géorgie, il a fait de la lutte contre la corruption son principal cheval de bataille, sans cacher ses ambitions présidentielles. Ses détracteurs voient en lui un populiste ultra-ambitieux, à la recherche de publicité. Au lendemain des législatives, à Tbilissi, un inconnu a ouvert le feu contre son chauffeur alors qu'il se trouvait en voiture, sans réussir à le tuer, a assuré Saakachvili.