Le principal artisan de la démission forcée du président géorgien Edouard Chevardnadzé, le leader du Mouvement national Mikhaïl Saakachvili, sera le candidat unique de l'opposition radicale à l'élection présidentielle du 4 janvier prochain. “Nous avons pris la décision de ne présenter qu'un seul candidat à la présidentielle. Ce sera Mikhaïl Saakachvili”, a déclaré la présidente par intérim Nino Bourdjanadzé, dont le Bloc démocratique est allié au Mouvement national, hier à Tbilissi. Ses paroles, prononcées devant la presse au siège du Parlement, ont été accueillies par des applaudissements. “Notre première priorité est de régler la situation dans chacune des régions de la Géorgie et spécialement en Adjarie, et de régler nos rapports avec tous nos voisins et spécialement avec la Russie”, a aussitôt déclaré M. Saakachvili, un avocat de 35 ans ayant fait des études aux Etats-Unis. L'Adjarie est une région autonome dirigée par l'autoritaire leader pro-russe Aslan Abachidzé, rallié à M. Chevardnadzé après les législatives controversées du 2 novembre et qui a manifesté son hostilité aux nouveaux responsables géorgiens. Les rapports entre la Russie et la Géorgie, qui s'est rapprochée ces dernières années des Etats-Unis, ont été compliqués d'une part par les conflits séparatistes, dans lesquels Tbilissi a accusé Moscou de soutenir en cachette les Ossètes et les Abkhazes, et d'autre part, par la construction d'un oléoduc stratégique, promu par les Américains et qui permettra d'exporter à l'Ouest le pétrole de la Caspienne sans passer par le territoire russe. M. Saakachvili avait été le principal organisateur et animateur des manifestations de l'opposition, menées à la suite des fraudes aux législatives et qui avaient conduit à la démission de M. Chevardnadzé dimanche dernier. Dans son discours, la présidente par intérim a insisté sur l'unité de l'opposition, alors que de nombreux observateurs avaient évoqué des divergences potentielles entre le radicalisme de M. Saakachvili, leader du Mouvement national, et la tendance plus modérée des dirigeants du Bloc démocratique, Mme Bourdjanadzé et M. Zourab Jvania. “Nous avons remporté la victoire parce que nous étions unis. Malgré nos différences, nous avons été ensemble pour défendre nos valeurs. Il faut continuer la lutte ensemble. C'est une nouvelle ère qui commence, très importante pour l'histoire de la Géorgie”, a ajouté Mme Bourdjanadzé, qui était accompagnée également de M. Jvania. “Nous allons former une coalition pour les législatives et nous présenterons une liste unique”, a-t-elle poursuivi. M. Saakachvili a précisé que Mme Bourdjanadzé allait diriger cette liste, ce qui semble la destiner à présider le futur Parlement. “Nous mènerons des réformes constitutionnelles, comportant notamment des changements sérieux dans le système d'administration du pays”, a encore dit la présidente par intérim. À ce propos également, M. Saakachvili a déclaré que “l'ère du gouvernement d'une seule personne est finie”. Selon les observateurs sur place, il laissait entendre qu'un poste de Premier ministre pourrait être créé. Ce poste, de l'avis des experts, a toutes chances d'être confié à M. Jvania. Quelques heures avant l'annonce de la candidature de M. Saakachvili, l'ancien président Edouard Chevardnadzé, venu chercher ses affaires à la présidence, a estimé que sa décision de démissionner était la seule possible. “Prendre cette décision n'a pas été si facile, mais c'était la seule solution”, a dit M. Chevardnadzé, apparaissant détendu et souriant.