Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
“IL ETAIT UNE FOIS EN ANATOLIE” DE NURI BILGE CEYLAN EN OUVERTURE DES JOURNEES DU FILM MEDITERRANEEN D'ALGER, “MEDITERRACINE” Ce vide qui habite la vie
Un jour… un beau jour, l'existence la plus banale peut se transformer en une aventure extraordinaire. Mais ironie du sort, c'est la mort qui bouscule les certitudes et transforme les hommes. Les journées du film méditerranéen d'Alger, “MéditerraCiné”, se sont ouvertes, avant-hier soir, à la salle Cosmos Alpha, avec la projection du long métrage — Grand Prix 2011 du Festival de Cannes — Il était une fois en Anatolie, de Nuri Bilge Ceylan (en sa présence). Organisées par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc), en partenariat avec la société de production et de diffusion MD Ciné, ces journées, qui seront émaillées par des master-class à Dar Abdeltif (tous les matins à 11h), s'étaleront jusqu'au 7 avril. Dix-huit films en provenance de dix-huit pays méditerranéens (Tunisie, Albanie, Maroc, Liban, égypte, Bosnie-Herzégovine, Syrie, Croatie, Chypre, Palestine, Turquie, Grèce, Serbie, Algérie, Espagne, Italie, Slovénie, France) seront projetés à la salle Cosmos Alpha, et rediffusés (les lendemains de la première projection) à la salle Cosmos Bêta (Riadh El-Feth). Présent à cette soirée inaugurale, le grand réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan a exprimé sa joie de prendre part à cet événement, tout en relevant certaines ressemblances qu'il a constatées entre son pays et l'Algérie, dont il a visité certains lieux emblématiques durant son séjour de trois jours. Suite à l'ouverture officielle, le long métrage coproduit par la Turquie et la Bosnie-Herzégovine a été projeté. Un conte de notre temps Les histoires qui commencent par “Il était une fois…” sont généralement des contes de fées ou autres épopées moralisantes qu'on raconte à des enfants pour les aider à dormir et faire de jolis petits rêves. Même s'ils les reproduisent et les racontent, les adultes n'y croient guère (ou feignent de ne pas y croire), parce que d'abord ils sont grands, et ensuite parce que leur quotidien harassant et les turpitudes de la vie ne leur permettent pas (ou plus) de rêver. Mais que l'on se rassure, Il était une fois en Anatolie n'est pas un conte ! Toutefois, comme semble le signifier un des personnages, même lorsqu'on s'ennuie, certains accidents du hasard peuvent transformer le cours des choses. Une virée au cœur des steppes anatoliennes à la recherche d'un cadavre peut être une histoire qui commencerait par “Il était une fois…”. Et c'est exactement cela qu'a essayé de nous démontrer Nuri Bilge Ceylan dans son long métrage de deux heures trente-sept minutes. Il était une fois en Anatolie, c'est l'histoire de Dr Cemal (Muhammet Uzner) qui accompagne l'équipe du commissaire Naci (Yilmaz Erdogan) et du procureur Nusret (Taner Birsel) à la recherche d'un cadavre dans les steppes anatoliennes. Guidée par le suspect Kenan (Firat Tanis), l'équipe découvre des indices et reconstitue le puzzle complexe de ce meurtre dont les causes et les raisons n'ont pas été dévoilées au spectateur. Car il semblerait que le réalisateur, fidèle à ses partis pris esthétiques (lenteur avec des plans de longue durée, sens du détail, couleurs et lumière fantaisistes), ne s'intéresse pas aux causes de la mort mais à ses effets, à ses traumatismes. C'est bien connu, toute mort est injuste, et dans son film aux paysages bouleversants, Nuri Bilge Ceylan cherche les raisons de la mort dans son impact sur les vivants (par exemple, lorsque l'équipe de police s'arrête pour creuser, à la recherche d'un cadavre, l'attention du réalisateur est portée sur les personnages qui attendent, qui discutent, qui continuent de vivre). Et c'est l'ironie qui vient à la rescousse des personnages dans les moments les plus noirs et les plus macabres. D'ailleurs, l'ironie est sans nul doute l'une des parfaites diversions qui permettent à l'être humain d'échapper à l'absurdité de l'existence, à l'injustice du monde et, surtout, au vide qui habite nos vies. Nuri Bilge Ceylan maîtrise parfaitement cet art dans son film, où il pose un regard à la fois juste et sensible sur l'existence. S K