Le triomphe du parti de Aung San Suu Kyi aux législatives birmanes de dimanche dernier met une dictature militaire vieille de… cinquante ans aux portes de la démocratie. Un score soviétique acquis, une fois n'est pas coutume, démocratiquement. L'avenir démocratique du pays reste précaire, la Constitution prévoyant la possibilité pour le président de la république de transférer ses pouvoirs au chef des forces armées “dans des situations d'exception”. Autant qu'aux termes de cette règle, l'armée peut, légalement et à tout moment, se réapproprier le pouvoir politique. Sans compter que l'actuelle constitution autorise l'armée à nommer directement le quart des élus des Assemblées nationales et régionales. Le doute subsiste quant à la volonté du président réformateur Thein Sein et la réalité de son émancipation de l'influence de la junte théoriquement dissoute. Et d'ici les prochaines élections générales qui se tiendront en 2015, il faudra que la démocratie passe au travers d'immenses intérêts militaro-mafieux. Mais à voir les images de la rue birmane, la Mandela de Birmanie et son parti semblent avoir semé l'espoir parmi la population. Cette disponibilité populaire pour la rupture démocratique est frappante et trahit une certaine familiarité, largement répandue, avec les valeurs de liberté qu'on n'observe point dans nos sociétés, celle récemment gagnée par ce qu'il est convenu d'appeler le “Printemps arabe”. La Tunisie, qui la première a entamé une transition démocratique, peine à dépasser l'obstacle intégriste dressé devant le projet républicain. Dans la société, la “révolution” a libéré les manifestations de la nature liberticide de l'islam politique et dans l'assemblée constituante, les acquis de la laïcité ont du mal à résister à la remise en cause islamiste. Démocratiquement légitimé, l'islamisme traduit dans les institutions la pression qu'il fait peser sur la société par la peur et le harcèlement. En Europe de l'est, la glaciation soviétique semblait n'avoir jamais eu raison de la naturelle inclination humaine pour la liberté. La démocratisation, laborieuse, de l'Amérique latine, n'a été contrariée que par quelques mouvements groupusculaires qui n'ont nulle part bénéficié de la popularité de l'obscurantisme antidémocratique observée dans le monde arabo-musulman. En Afrique, les évolutions démocratiques les mieux réussies ont eu lieu dans la partie sud du continent, là où l'islamisme ne dispose pas de base culturelle propice à influence. Il est à craindre que la légitimité démocratique de l'islam politique constitue un obstacle absolu à l'évolution politique des pays arabo-musulmans. En contournant le débat sur la possibilité d'intégration démocratique de l'islam politique par des subterfuges opposant islamisme et radical et islamisme modéré ou entre salafisme et sunnisme, on ne fait qu'ouvrir des portes au passage par lequel l'intégrisme, de nature antirépublicain, s'engouffre dans la république. Pendant qu'on discute du sexe des anges islamistes, l'idéologie, elle, s'empare des consciences et des institutions, affûte ses armes et monte ses troupes contre la résistance des valeurs de liberté. Une démocratie apaisée restera probablement un leurre en terre d'islam, tant que les forces de régression peuvent encore y vendre une démocratie couplée à son antidote. M. H. [email protected]