Le programme du RND pour les élections législatives du 10 mai prochain n'est pas un programme en rupture avec ce qui se fait maintenant. Le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia, semble avoir réussi, avant-hier soir, à l'hôtel El-Aurassi, son oral, le second après celui de 2007, devant les chefs d'entreprise. “Nous avons, sans aucun doute, quelques points communs et quelques points de divergences, et cela est bon pour le débat démocratique”, a souligné, dès l'ouverture de la réunion, Ahmed Ouyahia, précisant qu'il partage 25 des 50 propositions émises par le Forum des chefs d'entreprise (FCE) à l'issue du symposium économique sous le thème : “De l'urgence d'une nouvelle économie moins dépendante des hydrocarbures”. Ahmed Ouyahia commence par rassurer les patrons que son parti ne fait aucune distinction entre l'entreprise publique et l'entreprise privée. “Il s'agit de l'entreprise algérienne, moteur du développement économique national”, a-t-il souligné. Le secrétaire général du RND a rappelé qu'aux élections législatives de mai 2007, son parti avait soumis un programme en 140 propositions et l'avait exposé aux membres du FCE. “Depuis lors, plus de la moitié de nos propositions ont été concrétisées à travers notre participation au gouvernement et au Parlement”, affirme-t-il. Le programme du RND pour les élections législatives du 10 mai prochain n'est pas un programme en rupture avec ce qui se fait maintenant. “Car cela serait malhonnête de la part d'un parti qui est fortement impliqué dans la gestion des affaires du pays”, estime le secrétaire général du RND. M. Ouyahia, qui parfois intervient en qualité de Premier ministre, reconnaît “que pour des raisons liées au passé, à la conjoncture (crise économique, crise sécuritaire), mais aussi à la recherche de son modèle de développement économique, notre pays n'a pas atteint, jusqu'à présent, tous les résultats qu'il est en droit d'attendre de ses potentialités réelles”. Dans le débat, les opérateurs ont surtout relevé le décalage entre le discours et la réalité du terrain, dénonçant “les forces de l'inertie au sein de l'administration non encore acquise au bien-fondé des réformes structurelles et qui, par là même, renforcent le maintien et la pérennisation de la rente”. Nassim Kerdjoudj, vice-président du FCE, constate que “les lois et les règlements qui sont favorables au secteur économique ont énormément de mal dans leur mise en œuvre”. Sans se dérober, Ouyahia reconnaît que “des difficultés et les lourdeurs” gênent la mise en œuvre des politiques. “C'est vrai que l'administration est lourde”, a-t-il concédé. “Mais de temps en temps, je me demande si c'est seulement l'administration ou ce sont les lobbies d'intérêt autour de l'administration”, s'interroge-t-il. Et “ce n'est pas pour trouver des excuses”, a précisé le patron du RND. Ouyahia appelle à “une espèce de jihad” contre l'informel Le SG du RND estime que l'informel constitue la plus grande menace sur l'Algérie. “Nous avons vécu une bataille terrible au début de l'année dernière, dans laquelle la stabilité nationale était en danger”, a-t-il rappelé, rendant “un vibrant hommage à la police et la gendarmerie qui ont compté 800 blessés sans tuer un émeutier”. “Les gens disaient n'hat 10 milliards ou nehrg'ha (je mets 10 milliards et je la brûle). Vous m'imposez le chèque, je vais vous montrer qui je suis”, raconte Ouyahia. “Nous avons fait marche arrière sur le chèque et sur la facture”, a-t-il admis, avertissant que cette situation risque de le demeurer “tant qu'il n'y aura pas un front général”. “Je suis ici devant l'élite des opérateurs économiques de mon pays dont je suis fier : à l'allure où nous allons, vous disparaîtrez”, prévient Ouyahia, en appelant “à un front national, une espèce de jihad contre l'informel”. Le SG du RND a été très critique envers les concessionnaires automobile. “Avez-vous vu un pays au monde où quelqu'un vient avec une pile de dossiers et achète 60 voitures en gros. Cela se passe en Algérie. Nous avons importé pour les Algériens des marques les plus bizarres de la planète”, a relevé Ouyahia. Mohamed Baïri, également vice-président du FCE, note que l'Algérie a importé plus de 400 000 véhicules en 2011. “La croissance des importations de véhicules est vertigineuse et elle n'est pas près de s'arrêter”, a-t-il estimé. “Nous sommes le premier marché dans la région et le deuxième en Afrique, après l'Afrique du Sud. Et nous restons le marché qui a le moins réussi à engager des efforts d'intégration et de développement d'une industrie mécanique nationale. Nous continuons à négocier avec un partenaire qui, manifestement, n'est pas intéressé par l'investissement sur le marché algérien”, a-t-il ajouté. “Si l'opérateur que vous venez de citer (Renault, ndlr) continue à faire encore un peu de coquetterie, d'autres opérateurs, pas dans le véhicule léger, sont en train d'avancer”, a répondu Ouyahia, citant le projet Mercedes et déclarant, à l'adresse des concessionnaires automobile : “Vous ne pouvez pas continuer à importer 400 000 véhicules. Les travailleurs ont converti les rappels de salaires en achat de véhicules. Il n'y a plus de rappels.” Là aussi, le patron du RND appelle les opérateurs algériens “à une démarche collective”. La formule 51-49 imposée au privé national dans certains secteurs retirée “Sur les 51-49, vous avez raison, ce fut un glissement qui a duré une année”, a indiqué Ahmed Ouyahia au patron de Cevital qui relève qu'on a obligé des entreprises privées à prendre 51% des entreprises publiques dans leurs projets d'investissement. “S'il n'y a pas de distinction entre les entreprises publiques et les entreprises privées, pourquoi obliger les entreprises privées à prendre comme partenaire une entreprise publique ?” s'est interrogé Issad Rebrab. “Cette mesure a été retirée”, a répondu le SG du RND. Issad Rebrab a relevé que plusieurs projets d'intérêt national n'avaient pas eu d'autorisation depuis plusieurs années, certains depuis cinq ans et d'autres depuis dix ans. “Vous avez toujours priorisé l'investissement national par rapport à l'investissement étranger. Mais sur le terrain, nous avons rencontré autre chose. Nous avions un projet dans la sidérurgie, déposé il y a cinq ans. Et j'apprends à la dernière minute qu'on l'a donné à un étranger. Pourquoi ?” se demande le patron de Cevital. Réponse d'Ouyahia : “Vous êtes le mieux placé pour témoigner qu'il n'y a pas de veto pour le secteur privé. Vous avez rencontré avec vos pouvoirs publics un problème autour de deux sujets : la pétrochimie et le port. Pour le port, nous n'avons pas encore évolué en tant que collectif national pour que les infrastructures portuaires soient dans le privé.” Le SG du RND annonce qu'il est partisan du principe qu'il ne faut “rien demander à personne lorsqu'il s'agit d'investissements sans avantages”. Pour le projet de la sidérurgie, Ouyahia indique que ce n'est pas encore réglé. “Rien n'empêche que vous y soyez. Le pays a besoin de 16 millions de tonnes, il y a encore de la place. Je vous sais un entrepreneur courageux, je vous recommande toujours du courage, un peu de patience et vous êtes un capitaine d'industrie. Permettez-mois de vous dire que dans ce pays qui est le nôtre, il faut savoir naviguer pour retrouver le bon vent. Vous êtes une fierté pour le pays”, lance le SG du RND. Pour le patron de Cevital, les problèmes algéro-algériens viennent du fait qu'il n'y a pas suffisamment de rencontres et de débats, exprimant son souhait “de voir ce type de rencontres institutionnalisées”. Ouyahia n'est pas favorable au retour au week-end universel Le SG du RND n'est pas favorable, du moins dans l'immédiat, au retour au week-end universel. “Cela risque de créer plus de contraintes que de gains. C'est notre conviction, en tant que famille politique moderniste, républicaine, mais aussi attachée à nos valeurs nationales”, explique-t-il. Ahmed Ouyahia ne discute pas la valeur des arguments, mais le contexte dans lequel se pose la question. “Le retour de l'Algérie au week-end universel risque de créer un choc sociétal”, a-t-il estimé. Interpellé par un responsable de la société Algal Plus de M'sila sur l'agression à l'arme blanche que les dirigeants de cette entreprise ont subie, Ouyahia qualifie de pillage ce que vivent les dirigeants d'Algal Plus. “Il y a des gens qui veulent casser, moi je vous invite à faire une conférence de presse pour les dénoncer”, a suggéré le SG du RND au patron d'Algal Plus. “S'il y a des autorités qui vous disent nous ne vous protégeons pas, alors nous sommes arrivés au fond du puits”, a-t-il estimé. M R