Le scrutin des législatives du 10 mai a été émaillé de nombreux dépassements, s'apparentant clairement à des velléités de fraude. Bourrage des urnes à Relizane, Alger et Bouira, urnes non scellées dans plusieurs circonscriptions électorales, intrusion des candidats dans les bureaux de vote, absence de bulletins dans d'innombrables centres, ouverture des bureaux de vote après l'horaire réglementaire… ce sont autant de désaveux des professions de foi des autorités nationales quant à la régularité de l'opération électorale. C'est une longue liste d'infractions et d'irrégularités au scrutin qu'a été signalée à la Commission nationale de surveillance des élections législatives, tout au long de la journée du 10 mai. En tout, plus de 150 recours sur des cas avérés de dépassement et de tentatives de tour, à leur transmission à la Commission nationale de supervision des élections, formée par des magistrats. “Nous ne rapportons que des cas vérifiés et notifiés par écrit pas nos délégués au niveau local”, a précisé Mohamed Seddiki, président de la Cnsel, lors de l'un des trois points de presse qu'il a animés le jour du scrutin. À 11 heures, il a été déjà constaté l'absence des bulletins de vote, dédiés à l'ANR et Parti des travailleurs à Tiaret, ceux du Parti de la liberté et justice (PLJ) à Annaba, ceux du RND à Chéraga, du FLN à Gué-de-Constantine (Alger), du parti Jil El-Djadid à Ténès… Il a été relevé, aussi, la disproportion des bulletins de vote, mis à la disposition des électeurs, dans plusieurs centres d'El-Tarf, Chlef, et Ouargla, ainsi que l'ouverture de certains bureaux après l'horaire réglementaires c'est-à-dire 8h. Au deuxième briefing à 17h, M. Seddiki fait état de dépassements ayant augmenté en nombre et gagné en gravité. Un bourrage des urnes a été découvert, de manière formelle dans les communes de Tliouet et Aïn Rahma à Relizane et à Bouira, des urnes non scellées dans deux bureaux à Kouba et à Tlemcen, ainsi que la non-disponibilité des bulletins, dans certains bureaux de vote de cette dernière ville, de 8h à 10h. Dans pratiquement toutes les circonscriptions électorales, il a été remarqué le non-respect de l'ordre de classement des bulletins à l'effigie des partis politiques et des listes indépendantes, établi par tirage au sort. Mohamed Seddiki a affirmé, par ailleurs, que la Commission nationale de surveillance des élections législatives, composée de représentants de partis politiques et des candidats sans chapelle partisane, a été saisie sur une promptitude des prétendants à la députation et de militants à tenter d'orienter le vote des électeurs à l'intérieur des centres réservés à cet effet, et ce, en déni total des dispositions contenues dans la loi organique portant régime électoral. Dépôt d'une plainte contre Tayeb Louh et chérif Rahmani Les cas les plus édifiants sont incarnés par la présence du ministre-candidat, sous les couleurs du FLN Tayeb Louh, en compagnie de proches et de membres de sa famille, dans un centre de vote à Tlemcen et du candidat sur la liste du RND, Abdeslem Bouchouareb, dans un bureau de vote à Alger. Un peu plus tard dans la journée, il a été rapporté, par un recours signé par 14 formations politiques, la libre circulation du ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire, Chérif Rahmani, dans les centres de vote de la wilaya de Djelfa, où il est pourtant tête de liste RND. Les deux ministres sus-cités ont fait l'objet de dépôt d'une plainte en juste pour infraction à la législation en vigueur. Des tenues de sport ont été distribuées à des citoyens de Tizi Ouzou, au cours du déroulement de l'opération électorale, dans le but d'influencer leur choix au moment de leur passage à l'isoloir. Dans de nombreuses circonscriptions électorales, des citoyens ont été autorisés à voter au nom de leur épouse sans présenter de procuration. À Sidi Bel-Abbès, une même personne a été désignée pour chapeauter l'opération électorale dans deux centres distincts. Dans plusieurs endroits, l'administration a gêné la mission des membres des Cwisel (Commissions de wilaya de surveillance des élections législatives). À Tiaret, un contrôleur a été chassé d'un centre de vote car il demandait l'accès au fichier électoral. Un de ses homologues a été agressé à Makaria (Alger) par une présidente d'un centre électoral, accusée d'inciter les électeurs à trancher en faveur de la liste de son parti. Dans ce contexte, le président de la Cnsel a informé les journalistes que le président d'un centre à Garidi (Alger) a été relevé, jeudi vers 16h, de ses fonctions au motif qu'il collaborait parfaitement avec les membres de la commission. “Au lieu d'être honoré, cet homme a été sanctionné”, a regretté M. Seddiki. “Au cours de la matinée, nous avons évoqué des irrégularités. Maintenant, nous parlons carrément de dépassements”, a-t-il déclaré, en fin d'après-midi, visiblement dépité. Ce dernier a reçu, dans l'après-midi, un groupe d'électrices qui ont été empêchées de voter car leurs noms avaient disparu des registres électoraux de la commune d'Alger-Centre. Brandissant leur carte d'électrice, attestant qu'elles avaient bien voté lors de la présidentielle de 2009, elles ne comprenaient pas comment leurs noms ont été radiés du fichier à leur insu, c'est-à-dire sans justificatifs de déménagement ou de décès. Ils sont des dizaines à avoir fait le déplacement jusqu'au siège d'APC pour s'enquérir des raisons qui les ont spoliées d'un droit civique. “La commission n'est pas habilitée à intervenir sur ce problème qui relève des prérogatives du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales”, a soutenu M. Seddiki. Il n'a pas voulu, non plus, s'attarder sur les recours que la structure qu'il préside a reçus concernant la suspicion de fraude par des consignes de vote qui auraient été données aux éléments des corps constitués. “La commission mène des investigations sur le terrain. Nous n'avons rien prouvé de manière incontestable”, nous a-t-il assuré. Il n'en demeure pas moins que des membres de la Cnsel nous ont affirmé que les conclusions préliminaires de l'enquête plaident en faveur de cette option. “Au centre de Garidi II, nous avons vu 350 procurations de militaires, portant juste le nom de l'électeur et un tampon humide de la Région militaire, sans aucune signature, mais avec une unique adresse : l'hôpital militaire de Aïn Naâdja”, indique-t-on. S H