Trois mois après la calamité naturelle qu'ils ont subie de plein fouet, les fellahs et autres exploitants agricoles attendent l'aide et les indemnisations promises. Les agriculteurs sévèrement touchés par les inondations du 22 février et 10 mars derniers sont montés au créneau. Lors d'un point de presse qu'ils ont animé en début de semaine, ils ont dénoncé violemment l'attitude des pouvoirs publics, qui tardent à leur venir en aide, sinon à les indemniser pour les dommages subis. Un exploitant spécialisé dans les agrumes, culture maraîchère et céréales affirme qu'il a tout perdu à cause des inondations de cette année ainsi que celles des années 2003 et 2009. “Jusqu'à ce jour, je n'ai pas touché un centime. Je suis endetté jusqu'au cou”, confie-t-il. “En effet, après cinq mois malgré le matraquage médiatique rapportant les propos des ministres qui annonçaient l'accompagnement et l'indemnisation des 3000 agriculteurs touchés par cette catastrophe, puis prenant le relais Belkhadem ainsi qu'Ouyahia ont berné les fellahs d'El-Tarf en annonçant lors des meetings de la campagne pour les législatives dans la région, que l'état devrait prendre en charge ce dossier. Personnellement, je ne vois pas venir cette aide dont on parle et encore moins les indemnisations”, martèle M. Ayad, un agriculteur bien connu dans la daïra de Ben-M'hidi. “Je voudrais bien savoir sur quelle base je vais être indemnisé”, se demande celui-ci. Même son de cloche chez M. Bounadja : “à propos des aides et indemnités, les seules aides dont certains d'entre nous ont bénéficié consistent en la fourniture de plants de tomates et d'infimes quantités d'engrais, rien de plus.” Il indiquera que l'importation de 5 millions trois cents plants de Tunisie ne pourra suffire qu'à la couverture de 250 ha de tomate industrielle, avec en plus un risque de perte de 90%, surtout avec l'annonce du sirocco qui a déjà commencé, puisque nous sommes en période de floraison. Farid M., un céréaliculteur, a indiqué : “Nous avons frappé à toutes les portes pour exposer aux responsables nos préoccupations mais aucun ne veut nous écouter.” Il ajoute : “Nous, agriculteurs d'El-Tarf, déclarons que nous avons été ruinés suite à cette catastrophe naturelle, qui a touché pas moins de 18 communes de notre wilaya. Personnellement, j'ai investi plus d'un milliard de centimes cette saison, et tout a été emporté par les eaux après le lâcher inopiné des eaux du barrage qui avait atteint la cote d'alerte.” Et de rappeler que les autorités ont elles-mêmes déclaré et à plusieurs reprises qu'il y a eu un déferlement d'eau de 1450 m3 à la seconde. Les agriculteurs étaient en tout cas unanimes à demander une enquête sur ce lâcher des barrages. “L'inquiétude que nourrit la population de cette wilaya après cette calamité est toujours aussi vive, mais nous sommes tout de même conscients qu'il faut du temps pour remédier à ce genre d'aléas naturels”, reconnaît cet intervenant, avant de saluer “la réactivité des autorités locales face à cette catastrophe”. Les fellahs se disent démoralisés par les explications qui leur ont été données par les responsables de la CNMA sur la forme d'aide préconisée, notamment par la proposition de les faire participer à hauteur de 20% pour pouvoir prétendre à une indemnisation matérielle. Ils ont exprimé leur scepticisme quant au choix des fournisseurs d'équipements agricoles imposé par les services agricoles. à ce sujet, M. Zenassi demande comment il sera possible de rembourser les crédits contractés auprès des fournisseurs de semences par exemple. S'agissant du problème des assurances, un agriculteur indique qu'il avait souscrit une police d'assurance de 21 millions de centimes et qu'il s'est vu répondre par la CNMA lorsqu'il a réclamé des indemnisations, qu'il n'était couvert que pour la catégorie A et A 1, c'est-à-dire contre le risque incendie seulement. Notons que les dernières inondations ont affecté près du tiers de la superficie agricole, soit 24 000 ha, avec des pertes évaluées à quelque 550 millions de dinars. T B.