La célébration du 50e anniversaire de l'Indépendance a été l'occasion d'un cycle de conférences sur “l'amitié hispano-algérienne" initié par l'institut Cervantès d'Oran, ayant choisi samedi, de rendre hommage à un homme qui porta en son cœur l'Algérie et dont le nom restera à jamais associé au premier gazoduc algérien. Cet homme n'est autre que Pedro Duran Farrell, un ingénieur et entrepreneur espagnol, plus précisément catalan, un visionnaire et un innovateur qui s'acharnera à rapprocher les deux rives de la Méditerranée en initiant, avant tout le monde, le futur projet de gazoduc reliant aujourd'hui Hassi-R'mel à l'Andalousie en passant par le Maroc, et ce, dès les années 1960. D'ailleurs, ce gazoduc porte aujourd'hui le nom de Duran Farrell, une manière de lui rendre hommage. Samedi, en présence de sa veuve — Pedro Duran Farrell est décédé en 1999 —, le conférencier Ramon Folch, qui l'a bien connu, retracera avec sensibilité le parcours de celui qui est considéré en Espagne comme l'“un des entrepreneurs espagnols les plus influents de sa génération, crédité d'avoir modernisé le système d'approvisionnement énergétique de l'Espagne en y introduisant l'énergie nucléaire, mais aussi et surtout le gaz naturel". Pour Pedro Duran Farrell, tout a commencé en 1960 lorsqu'il découvre l'Algérie, mais surtout le Sahara, dont il tombera amoureux et où il effectuera de nombreux voyages tout au long de sa vie. Cet amour pour l'Algérie, où il tissera des liens, a été si fort que son dernier vœu a été de voir répandre ses cendres sur les dunes du désert à Timimoun. Un vœu exhaussé par les autorités algériennes, reconnaissant en Farrell le combat et l'acharnement à tisser des relations particulières. Son parcours de chef d'entreprise est ainsi étroitement lié à l'histoire “énergétique" de notre pays, à la création d'une entreprise partenaire de Sonatrach, puisqu'il a été aussi de président de la société Gas Natural depuis sa constitution en 1992 jusqu'à 1997 où il a été nommé président d'honneur. Ramon Folch rappellera ainsi comment à partir des années 1960, Duran Farrell comprendra très tôt “la force du sentiment d'indépendance de l'Algérie et donc tissera très tôt des liens avec les partenaires légitimes, c'est-à-dire le FLN". Des contacts fréquents auront lieu avec les futurs dirigeants de l'Algérie et cela en Espagne même, irritant du même coup et les Français et Franco. En effet, le dictateur franquiste n'appréciait guère “ce Catalan chef d'entreprise qui ne représente pas l'Espagne" et dont la réussite irritait encore plus. En 1961, Belaïd Abdesselam est reçu à la société de Duran Farrell, Catalana Gas, “cela voulait dire faire face à la France et au régime de Franco, ce n'est pas donné à tout le monde lorsque l'on est un entrepreneur privé", relate le conférencier. Bouteflika, Ghozali, Bachir Boumaâza ont tous à un moment donné croisé la route de Pedro Duran Farrell, qui dès 1972 et après bien des vicissitudes — ses biens et sociétés ont été privatisés par Franco — signe les premiers contrats de fourniture de gaz et très rapidement œuvre au projet d'un gazoduc reliant les deux pays. Il lui faudra attendre le début des années 1990 pour voir se concrétiser son rêve du premier gazoduc, et c'est en compagnie du roi Juan Carlos que Pedro Duran Farrell fera symboliquement la mise en service du gazoduc le 1er novembre 1996. L'homme restera toujours attaché à l'Algérie où par le biais de fondation aidera à la réalisation de projets en direction des populations, y compris en Amérique latine laissant ainsi apparaître, derrière le chef d'entreprise, l'humaniste. D. L