“Quand on dit que l'histoire de l'Algérie n'est pas écrite, c'est vrai. Quelque part, on a voulu laisser mourir l'histoire de ce pays car on n'a pas donné la parole à ceux qui l'ont faite." C'est en ces termes que Me Fatma-Zohra Benbraham, avocate des grandes causes nationales, s'est exprimée lors de la conférence de presse organisée par le Forum d'El Moudjahid en collaboration avec le Dr Smaïl Boulbina sur la bataille du Grand Erg occidental qui s'est déroulée du 15 octobre au 21 décembre 1957. Un évènement méconnu de beaucoup de citoyens mais qui a pourtant marqué un pan de la Révolution algérienne sur plus d'un volet. On ne saura, en effet, témoignages à l'appui, rendre à cette bataille l'importance qui lui est due tant la portée du fait sur le plan national au moment où l'administration coloniale tentait par tous les moyens d'étouffer la révolte du peuple par les armes en la limitant à quelques régions du Nord. Dans un documentaire de l'ENTV réalisé en 2006, bien que présentant des faiblesses, des témoignages poignants sur le sujet où un sergent de Bigeard reconnaît clairement le courage de quelques dizaines d'hommes issus de la compagnie des méharistes qui ont tenu tête à un régiment de l'armée française équipé par les moyens terrestres et aériens les plus modernes de l'époque. Raymond Cloarec, parachutiste dévoué pour son pays, raconte 50 ans après le massacre de 46 méharistes “déserteurs". Des hommes qui ont, contrairement à ce qu'on a voulu faire croire à l'époque, épousé la cause nationale dès le début en rejetant la déculturation imposée par l'administration coloniale. Ces méharistes étaient pour la grande majorité aguerris par la guerre d'Indochine. Me Benbraham, en tant que juriste, est dépitée par le fait que “tous les textes de droit relatant ces épisodes de la guerre d'Algérie soient écrits par l'armée coloniale. Des lois militaires cachant la vérité". L'avocate rappelle l'importance de certaines dates comme celle de la bataille du Grand Erg occidental, car derrière l'évènement se cache à peine l'enjeu qui continue de nourrir les convoitises de nos jours. La guerre a, en réalité, commencé au Sahara algérien avec la découverte du pétrole en 1956, une carte que l'administration coloniale a utilisée pour séparer cette région du nord du pays. Une idée fixe qui a hanté les esprits des instances françaises lors des fameuses négociations d'Evian. Ceci explique cela, l'avocate répond à l'interrogation de savoir pourquoi cette bataille dont on a peu dit a-t-elle duré un mois et demi. “Une armada pour 86 méharistes ? L'enjeu est fort. On ne voulait surtout pas politiser cette région", note la conférencière non sans préciser : “Mais qui a dit que le Sud algérien n'était pas concerné par les évènements du Nord ?" Idée sur laquelle rebondit le Dr Boulbina en rappelant que la résistance populaire était depuis 1830 présente dans toutes les régions du pays jusqu'à l'Indépendance. Au passage, il fait part de l'erreur monumentale de l'administration coloniale d'interner dès 1945 des militants chevronnés dans le Sud. “Il y a eu inévitablement contagion", ironise-t-il. Pour sa part, il relatera les préparatifs ayant présidé à cette bataille qui a eu lieu en octobre pour éviter les grosses chaleurs. Les moudjahidine sont des méharistes issus des Châambas (Metlili), région faisant partie du Grand Erg occidental qui s'étend du Gourara à Béchar vers la frontière marocaine. Des soldats français sont surpris et tués à Hassi-Saka par les méharistes lors d'un accrochage le 15 octobre 1957. L'alerte est donnée et l'armée française déclenche une attaque où 300 chameaux sont tués. À partir de ce moment, les moudjahidine ne circulent que de nuit. Malgré les campagnes d'intox menées par l'administration coloniale pour démentir l'existence du “front sud", les attaques et les embuscades se succèdent. En métropole, on met en branle le système pour casser la révolte. Le gouverneur général d'Algérie est instruit de mettre en place tous les moyens pour venir à bout des “déserteurs." Le 13 novembre, Bigeard est sur les lieux avec 1 500 parachutistes et des avions de tous types B26, G52, T6, des hélicoptères Sikorski. C'est la deuxième plus importante bataille du désert après celle d'Al-Alamein durant la Seconde Guerre mondiale. Mais cette machine aérienne n'a pas été d'une grande utilité, les appareils tombaient souvent à cause des grains de sable qui pénétraient dans les moteurs. Louisette Ighil Ahriz qui communique souvent avec le sergent Cloarec, acteur de cette bataille, a témoigné que ce dernier vit mal actuellement à cause des remords sur cette période. Il confie que “si l'Algérie l'attaquait en justice, il plaiderait coupable". À noter que le colloque sur la bataille du Grand Erg occidental se tiendra le 14 octobre prochain sur les lieux même des combats, a affirmé le Dr Boulbina. A F