La remise, jeudi 11 décembre, du rapport Stasi au président Chirac n'a rien changé. La France reste divisée sur la question du voile islamique, et plus généralement sur la place de l'islam dans la société française. Prudent, le rapport de la commission Stasi sur la laïcité a pourtant cherché visiblement à ménager la chèvre laïque et le chou musulman. Sans surprise, il a préconisé l'adoption d'une “loi de la laïcité” destinée à marquer “un coup d'arrêt aux dérives communautaires” constatées, ces derniers mois, en France, surtout depuis l'éclatement, en septembre 2000, de la seconde Intifadha palestinienne. Une loi qui interdirait le port de signes religieux ostentatoires, particulièrement le foulard islamique, dans les écoles et les administrations. Les signes discrets d'appartenance à une religion (petit Coran, main de Fatma, petite croix ou petite étoile de David) seront autorisés. Sans doute pour que ces recommandations ne soient pas interprétées comme une attaque contre l'islam et les musulmans de France, la commission a, à la surprise générale, proposé de rendre férié dans les écoles françaises le jour de l'Aïd El-Kébir, au même titre que la fête chrétienne de Noël, célébrée tous les 25 décembre. Mercredi prochain, Jacques Chirac fera connaître sa position définitive sur l'opportunité d'une loi interdisant les signes religieux dans les écoles et les administrations. Selon les commentateurs, le président français, favorable à une interdiction du voile, devrait suivre les recommandations de la commission Stasi. “À partir du moment où le débat a été lancé sur la place publique, il ne faisait plus aucun doute qu'une loi allait intervenir. Le gouvernement ne pouvait pas reculer sur une question aussi cruciale que l'avenir de la laïcité. En France, on peut tolérer le voile islamique, mais jamais le régulariser, comme l'ont demandé indirectement des associations proches des frères musulmans”, explique un journaliste parisien, spécialiste des questions politiques. Reste un souci à gérer pour le gouvernement : une disposition faisant de l'Aïd El-Kébir un jour férié pourrait être rejetée par le Conseil d'Etat. “Le gouvernement d'un pays laïque comme la France ne devrait pas instaurer de nouvelles fêtes religieuses, poursuit le journaliste. Nous avons un héritage religieux que nous devons gérer, mais on ne crée pas de nouvelles fêtes.” Mais sans cette mesure, les recommandations du rapport Stasi risquent d'apparaître à de nombreux musulmans comme une façon de les stigmatiser dans un contexte marqué par une forte montée d'un climat d'islamophobie en France. Hier, dans un éditorial intitulé “Dangers”, le directeur du quotidien Le Monde, Jean-Marie Colombani, mettait en garde contre le risque d'“ouvrir sous les pieds de la démocratie française un nouveau piège politique” qui profitera essentiellement au Front national, le mouvement d'extrême-droite présidé par Jean-Marie Le Pen. L. G.