Le président français doit faire connaître, aujourd'hui, sa position sur les suites à donner au rapport de la commission Stasi sur la laïcité. Il est déjà acquis qu'il rejettera l'idée de faire des fêtes musulmane de l'Aïd El-Adha et juive de Kippour des jours fériés, et ce, en harmonie avec son premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui cherche déjà à faire travailler les Français un jour de plus dans un effort de solidarité avec le 3e âge. Quant à la question du voile à laquelle les autres signes religieux n'ont servi que de prétexte, il apparaît de plus en plus clair qu'une loi sera adoptée. Le bureau du CFCM a adressé, lundi dernier, une lettre ouverte au président Jacques Chirac, pour exprimer sa “vive inquiétude” devant les “dispositions discriminatoires à l'égard des musulmans” contenues dans le rapport Stasi. Le bureau du CFCM, convoqué en réunion extraordinaire, lundi, à la Mosquée de Paris, estime, dans cette lettre rendue publique le soir, que “l'esprit et le ton général du rapport stigmatisent cette composante nationale” que constituent les musulmans de France “et ne prennent pas en compte la réalité de l'islam en France”. “Les propositions du rapport sont formulées pour combattre, certes, des comportements répréhensibles, mais elles conduisent à interdire à l'immense majorité des musulmans de pratiquer sa religion dans le respect de la laïcité, telle qu'elle a été rappelée par la jurisprudence du Conseil d'Etat”, estime le bureau du CFCM. Selon lui, la définition de la laïcité contenue dans ce rapport, qui met en avant “la liberté de conscience” sans rappeler que “la République garantit le libre exercice des cultes”, est en recul par rapport à la jurisprudence et aux lois existantes. Le Conseil français du culte musulman accuse le rapport Stasi de “reléguer la question du foulard dans le champ unique des affaires d'ordre public”. Il estime que la disposition interdisant les signes religieux ostensibles à l'école pour n'autoriser que les signes discrets (médailles, petites croix, étoiles de David, mains de Fatma ou petits Coran) “apparaît comme prioritairement discriminatoire à l'égard de l'islam, les signes présentés comme discrets attribués à notre religion relevant plus de la tradition que de la pratique religieuse”. Lors d'une conférence de presse à l'issue de leur réunion, les membres du bureau ont souligné la “gravité”, à leurs yeux, de la situation. Fouad Alaoui, vice-président du CFCM et secrétaire général de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), a déclaré : “Le moment est grave, car on sent la montée en puissance d'une colère de la part des femmes qui pratiquent librement leur religion et qui sentent dans le rapport Stasi la volonté de les exclure.” Interrogé sur l'attitude de l'UOIF en cas de manifestations hostiles à une éventuelle loi interdisant le voile, Fouad Alaoui a déclaré que “manifester fait partie de la liberté, et nous respecterons cette liberté”. Par ailleurs, quant à la proposition de faire de l'Aïd el-Adha un jour férié pour les élèves des écoles publiques, le président du CFCM, Dalil Boubekeur, a estimé qu'il s'agissait d'un “élément positif” tandis que Khalil Merroun, recteur de la mosquée d'Evry, a qualifié la mesure “d'arbre qui cache la forêt”. Les inquiétudes du CFCM ne sont pas en réalité celles de tous les musulmans de France. La représentativité de l'organisme créé par Nicolas Sarkozy est fortement contestée. Bien des immigrés, particulièrement des Algériens, sont favorables à une loi, notamment défendue par les directeurs d'établissements scolaires qui ne veulent plus avoir à traiter les problèmes au cas par cas. L'anthropologue algérien, Malek Chebel, constatait, lundi dernier, que le Coran reconnaît l'esclavage, la lapidation, la polygamie. Après le voile, les courants islamistes vont peut-être lorgner dans cette direction, suggérait-il. N. B.