Sous les feux de l'actualité lors des dernières élections présidentielles controversées et les manifestations de l'opposition qui ont ébranlé le régime des mollahs malgré une répression sanglante, l'Iran n'est plus évoqué sur la scène internationale que sous l'angle de son programme nucléaire. Il est vrai que les “révolutions" arabes, à l'instar de la tragédie qui se joue actuellement en Syrie ou de l'imbroglio militaro-islamo-politique qui tient l'Egypte et le monde en haleine, ont éclipsé le reste de l'actualité dans les régions Afrique du Nord et Moyen-Orient. Il est pourtant difficile de croire que les puissances occidentales et leurs alliés dans la région, qui ont ouvertement appuyé l'opposition lors des manifestations de 2009, organisées à l'issue du scrutin présidentiel, aient renoncé à leurs velléités de renverser le régime des mollahs. La chute du régime iranien par un soulèvement interne, qui a échoué il y a quatre ans, reste l'approche la moins coûteuse et la plus politiquement correcte pour les grandes capitales occidentales. Un tel scénario permettrait de régler le problème du programme nucléaire militaire iranien, d'éviter une grande menace à l'allié israélien et de faire plaisir à l'“ami" saoudien qui verrait d'un mauvais œil la montée en puissance de l'ennemi séculaire perse. Or, un tel scénario est des plus probables. Il s'agirait, en quelque sorte, d'un débordement géographique des “printemps arabes", dont l'un des plus sanglants se déroule présentement en Syrie, aux frontières du pays. Il existe des indices qui corroborent une telle thèse, même s'ils sont passés inaperçus. La cour d'appel de Washington a ordonné, le 1er juin dernier, au département d'Etat de réexaminer le statut des Moudjahidine du peuple, la plus importante composante de l'opposition iranienne inscrite depuis 1997, sur la liste américaine des organisations terroristes. La cour donnait quatre mois au département d'Hillary Clinton pour ce faire, faute de quoi elle accorderait aux Moudjahidine leur retrait de la liste noire. Autant dire qu'avant la fin septembre, cette organisation laïque, qui a joué un rôle essentiel dans la chute du Shah avant que les religieux n'accaparent la révolution, pourra être traitée par Washington non plus comme un ennemi à combattre mais comme un allié à soutenir. “C'est une grande victoire ! Ce verdict rompt avec de longues années de diabolisation. Cela va libérer le potentiel d'énergie du mouvement à l'intérieur de l'Iran et augmenter ses activités à l'extérieur", s'est réjouie, à ce propos, la présidente en exil du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), Maryam Rajavi. La présidente du CNRI, dont les Moudjahidine du peuple sont la principale composante, a affirmé aussi que “le printemps iranien est toujours vivace" et la situation explosive, malgré la répression du “régime des mollahs". N'hésitant pas à établir un parallèle avec les évènements qui traversent certains pays arabe, elle ajoute : “Le régime des mollahs a tiré des leçons de ce qui s'est passé en Libye et en Syrie : pour éviter de se retrouver dans la situation de Kadhafi ou de Assad, il a décidé d'accélérer la réalisation de son programme nucléaire et d'éliminer les Moudjahidine du peuple qui représentent une alternative démocratique". Le CNRI organisait samedi à Villepinte, près de Paris, un rassemblement européen auquel ont afflué des milliers de personnes venues de toute l'Europe et auquel ont participé d'anciens ambassadeurs américains, un ancien ministre français et 40 délégations parlementaires arabes et occidentales. Maryam Radjavi y a assuré qu'elle continuerait le combat jusqu'au renversement du régime des mollahs, “pour la séparation de la religion de l'Etat, pour l'établissement de la démocratie et l'égalité des hommes et des femmes". L'année 2013 – où se tiendront les élections présidentielles – sera “un tournant très important où tout peut arriver", a-t-elle prédit, comme pour prendre date. En tout cas, si le printemps iranien venait à se concrétiser et à aboutir, il prendrait à contrepied les “printemps arabes" qui ont donné les clés du pouvoir à des organisations théocratiques. M. A. B