La réhabilitation et la réappropriation de la date historique du 20 Août 1956, coïncidant avec la tenue du Congrès de la Soummam, un tournant décisif pour le processus de Libération nationale, la contribution à l'écriture et lecture objective de l'histoire de la Révolution algérienne, en vulgarisant le contenu, les portées stratégiques et l'importance des résolutions de la plate-forme issue de cette rencontre historique d'Ifri, tels sont les objectifs assignés à ces deux journées d'étude organisées ce week-end par l'Association des activités de jeunes (AAJ – Horizons) d'Ouzellaguen (Béjaïa). Encadrées par des historiens et autres chercheurs universitaires de renom, ces rencontres-débats ont été organisées sous le thème générique “Le Congrès de la Soummam, 56 ans après, quelle histoire pour 50 ans d'Indépendance", et ce, dans le cadre des festivités du cinquantenaire de l'Indépendance. Lors du cycle de conférences animées hier au siège du musée d'Ifri, lieu de la tenue du Congrès de la Soummam, Dalila Aït El-Djoudi, docteur en histoire militaire et études de défense, et chercheur associé à l'IFP d'Aix-en-Provence, a fait une brillante intervention sous le thème “Abane Ramdane, héros du passé dans les débats du présent". “Abane Ramdane, l'un des principaux artisans de la Révolution algérienne, fut étranglé un certain 27 décembre 1957 au Maroc, victime d'un guet-apens tendu par ses pairs", lancera-t-elle d'emblée, ajoutant que “c'était un dirigeant puissant et autoritaire qui a pris des coups de son vivant et après sa mort. Son combat pour un projet de société moderne, démocratique et laïc, lui a valu de vives critiques. Figure ambivalente, il fut assassiné par les siens, alors qu'il était en mission politique au Maroc, accompagné de Krim Belkacem et Mohamed Cherif. Sa liquidation a engendré une banalisation du crime politique en Algérie". Pour ses bourreaux, a-t-elle précisé, tuer Abane, c'est éliminer toute alternative politique émanant d'un vrai militant nationaliste, de surcroît rassembleur hors pair. La conférencière a tenu à rappeler que “Ben Bella était le premier homme politique algérien à évoquer l'assassinat de Abane, lors d'un meeting tenu au lendemain de l'Indépendance. Alors que son successeur, Boumediene, était contre la révélation de ce crime politique". Pour conclure, l'oratrice estime qu'“aujourd'hui, le débat doit s'orienter vers tous ces crimes politiques et l'impunité de leurs auteurs. On a tellement banalisé cette violence politique qu'on a assisté à sa réédition avec l'assassinat en direct de Mohamed Boudiaf, il y a 20 ans". Pour sa part, l'historien français Jean-Charles Jauffret, professeur à l'Institut d'études politiques (IEP) d'Aix-en-Provence, donnera une communication intitulée “L'année 1956 et les réactions des hommes du contingent français face à la guerre". “Que reste-t-il dans la mémoire des éléments du contingent français ?" s'est-il interrogé, avant d'affirmer que “la France avait mobilisé, durant la guerre d'Algérie, pas moins de 500 000 hommes auxquels il faudra ajouter les quelque 100 000 harkis". Selon le Pr Jauffret, les soldats engagés dans cette guerre ont été bernés, puisqu'on leur a fait croire qu'ils allaient intervenir dans une opération visant à mettre de l'ordre dans les villes d'Algérie. Par ailleurs, le conférencier fera état des résultats d'un sondage qu'il a réalisé sur un échantillon d'anciens soldats du contingent français ayant pris part à la guerre d'Algérie. “Sur 1 000 personnes sondées, 25% pensent qu'ils n'avaient rien à faire en Algérie, 64% parlent d'une expérience douloureuse avec un sentiment de honte, 5% estiment avoir défendu la patrie, alors que 3% seulement sont fiers d'avoir accompli leur devoir", a-t-il indiqué. Interrogé sur l'opportunité et l'utilité d'organiser ces journées d'étude sur le Congrès de la Soummam, le président de l'association Horizons, Kamel Tabet, estime que “c'est par devoir de mémoire que nous avons initié ces deux journées d'étude en vue d'exhumer un pan important de notre Histoire. Car, j'estime aujourd'hui qu'aborder un sujet aussi sensible que polémique, tel que le Congrès de la Soummam, est chose ardue. Ceci dit, pour cerner les tenants et aboutissants de cet événement que nous considérons comme acte fondateur de la nation algérienne, notre association a fait appel à des spécialistes en matière d'histoire, afin de le traiter en toute objectivité". K O