À Tiaret, l'année 2012 est caractérisée par un phénomène grave qu'est le suicide par immolation. En effet, le premier cas a été enregistré au mois de janvier. Il s'agit de M. Hicham, un jeune homme de 22 ans et vendeur de lunettes de son état, qui s'est aspergé d'essence sur la place publique. Ce dernier, habitant la cité Oued Tolba, dans la périphérie sud de la ville, n'a pas accepté la décision et le comportement d'un policier venu le “chasser" de l'endroit où il s'affairait à vendre des lunettes. Profondément touché, M. Hichem, ne pouvant plus se maîtriser, s'est aspergé d'essence avant d'allumer un briquet. Des citoyens présents sur les lieux l'ont aussitôt évacué à l'EPH Yousef-Damardji où l'on lui prodiguera les premiers soins avant de l'évacuer au CHU d'Oran avec des brûlures de 3e degré. La victime a rendu l'âme à Aïn Defla, lors de son transfert vers le centre des grands brûlés de Douéra. Ce drame, considéré comme un ultime appel aux autorités locales, sourdes aux préoccupations des jeunes, a été émaillé de manifestations populaires déclenchées le jour de l'immolation et accentuées lors de l'enterrement. Au début du mois d'avril, c'est le lycéen R. G. Walid, âgé de 16 ans, qui suivra le chemin de Hichem en s'aspergeant d'essence dans la cours de l'établissement situé à la cité Sonatiba. Brûlé au 3e degré, il sera aussitôt évacué vers le centre des grands brûlés de Douéra où, après un coma profond, il rendra l'âme une semaine plus tard. Le 22 du même mois, Y. Mohamed, un jeune de 22 ans et originaire de la wilaya de Mostaganem, a été sauvé in extremis par les éléments de la Police judiciaire. Ce dernier, de passage à Tiaret, avait tenté de se suicider en s'arrosant d'essence, vers 22 heures, sur la place Carnot, en face du commissariat de la Police judiciaire. Les policiers se sont hâtés pour éteindre la flamme et l'évacuer à l'hôpital Yousef-Damardji où il a reçu les premiers soins. Cependant, contrairement aux deux premières victimes, Mohamed a échappé à la mort. Mais, selon certaines informations, ce dernier garde toujours les séquelles de ce qu'il a vécu. S'agissant des parents des victimes, ils avouent ne rien comprendre à ce phénomène sinon que la situation précaire que ces jeunes enduraient les a poussés à l'irréparable. “La malvie et l'exiguïté qui nous rongeaient ont eu raison de mon frère qui a rejoint l'au-delà à la fleur de l'âge", relatera la sœur de Hichem qui ne cesse, aujourd'hui, de solliciter des audiences auprès du wali de Tiaret pour réclamer un cadre de vie plus décent. Aux dernières nouvelles, les autorités locales ont pris sérieusement le cas de cette famille en charge. Chez les spécialistes, médecins et psychologues, on considère la tentative de suicide par immolation comme un geste auto-agressif réalisé avec une ferme intention de mourir. Mais ce sont, en réalité, des comportements très hétérogènes. “Chez les jeunes, un tel acte est souvent impulsif et irréfléchi. Il intervient généralement dans une condition difficile : rivalité avec les parents, antagonisme amoureux, difficultés scolaires", expliquera une psychologue que nous avons abordée. Cette dernière estime qu'un tel geste est souvent considéré comme “un appel au secours" et il n'y a pas lieu de le banaliser. Au contraire, dira-t-elle, il faut le prendre en charge et apporter le secours demandé. Néanmoins, on pense aujourd'hui qu'il existe une fragilité spécifique chez certaines personnes, notamment les jeunes, tant on retrouve dans toutes les tentatives de suicide des difficultés personnelles, des problèmes sociaux, financiers ou encore judiciaires. Par ailleurs, parler de tentative de suicide veut absolument signifier que quelque chose ne va pas au sein de la société. Ainsi, c'est l'ensemble de la société qui est interpellée : parents, enseignants, mouvement associatif... et, à plus grand égard, les pouvoirs publics qui doivent penser à l'insertion des jeunes et à leur réhabilitation dans un cadre de vie meilleur.