La chorba, le plat fétiche de la famille algérienne durant la période du Ramadhan, mois de piété et de frugalité selon la tradition, risque de peser lourdement sur le budget des ménages. Des quatre légumes frais (carotte, courgette, tomate et pomme de terre) qui entrent dans la composition de ce plat d'entrée du dîner du Ramadhan (ftour), aucun n'a été épargné par la flambée des prix. Il y a à peine un mois, on pouvait acheter des carottes et des courgettes à un prix qui dépassait rarement les 60 DA le kilo. À l'approche du Ramadhan, les prix de ces deux légumes ont pris de la hauteur jusqu'à atteindre 80 DA/kg, mais rarement les 100 DA/kg. Au deuxième jour du Ramadhan, c'est carrément l'explosion, avec des prix compris entre 100 et 120 DA/kg, voire jusqu'à 140 DA/kg la courgette. Même la pomme de terre et la tomate, qui affichaient des prix relativement stables à quelques jours du début du mois sacré, ont fini par céder face au «tsunami» de la hausse des prix. Pour la pomme de terre, la fourchette des prix, qui était de 35-45 DA/kg avant le début du Ramadhan, est passée, après seulement 2 jours de jeûne, à 45-60 DA/kg. Le même sort a été réservé à la tomate qui a vu ses prix passer, pour la même période, d'une fourchette de 35-40 DA/kg à une autre beaucoup plus accentuée, de l'ordre de 50-60 DA/kg. Une tendance qu'on peut observer au niveau de plusieurs marchés de détail de la ville d'Alger. Le marché étant suffisamment approvisionné en légumes frais, comme l'indiquent les chiffres du ministère de l'Agriculture, quelle serait alors l'origine de la flambée des prix ? Dans les pays qui disposent de circuits de commercialisation bien organisés, les agriculteurs ont l'obligation de confier leurs récoltes aux mandataires des marchés de gros, ces derniers se chargent de les vendre aux commerçants de détail, qui à leur tour les proposent aux consommateurs. Un circuit fluide qui ne fait intervenir que 2 commerçants (les grossistes et les détaillants), ce qui limite l'inflation et laisse peu de place aux éventuels spéculateurs. C'est cette transparence du circuit de distribution et de la traçabilité des produits qui manquent à l'Algérie, estime Lhadi, qui tient depuis 20 ans un commerce de fruits et légumes dans un marché de détail à Alger. “Les gens se posent des questions sur la flambée des prix, mais c'est normal ! Car un fruit ou légume qui sort du champ de l'agriculteur passe par plusieurs mains avant d'arriver au consommateur final. Comptez donc que chaque intervenant prend sa marge bénéficiaire, voilà d'où vient la flambée", assure Lhadi qui, par ailleurs, ne partage pas l'avis de certains commerçants qui justifient la flambée des prix par la hausse observée, selon eux, au niveau des marchés de gros. “Ce n'est pas vrai, au niveau des marchés de gros qui fonctionnent plus ou moins bien, les prix pratiqués sont très bas par rapport à ceux pratiqués dans le détail. Pour s'en rendre compte, vous n'avez qu'à vous rendre au niveau du marché des Eucalyptus (au sud d'Alger), je vous assure que les prix pratiqués ne sont pas très élevés, à titre d'exemple, la tomate coûte en moyenne entre 30 à 35 DA/kg, la pomme de terre 30 à 35 DA/kg, seules la courgette 50 à 60 DA/kg et les carottes, 40 à 50 DA/kg sont vendues, ces quelques derniers jours, plus cher. Alors que dans le commerce de détail ces prix sont parfois multipliés par deux ; c'est beaucoup, et rien ne justifie une telle pratique". Il est clair que la flambée des prix des fruits et légumes, qui commence quelques jours avant le début de chaque Ramadhan et qui s'accentue les premiers jours du jeûne, n'a rien d'un phénomène normal. La production maraîchère étant importante cette année, c'est du côté de l'organisation ou plutôt de la désorganisation des circuits de distribution qu'il faudrait diriger son regard. Une brèche dont profitent les spéculateurs de tous poils qui n'éprouvent aucune pitié, en cette période de piété, pour les consommateurs. L. R.