“La langue française est mon exil”, écrivait Malek Haddad. Nos génies oubliés meurent dans l'anonymat. Yacine, Mammeri, Mimouni sont morts dans la discrétion, dans un pays où l'on n'existe que par la chaîne unique. L'ENTV n'a pas d'images de ceux qui dédaignent la langue de bois. Il n'y a de pellicules que pour les discours enflammés de ceux qui traquent l'intelligence et l'emphase des ménestrels de cour. À quoi bon célébrer les talents nationaux puisqu'on peut, à notre guise, s'échanger les “doctorats honoris causa”, dans des cérémonies retransmises par une ENTV qui croit encore imposer le message total à des algériens depuis longtemps branchés ailleurs. L'ostracisme ignare ne se gêne pas, après le boycott qu'il inflige à nos meilleurs écrivains, d'exploiter leur mémoire en de politiciens jubilés. Relégué par l'oubli de son vivant, Dib est admis à la postérité pour les besoins de séminaires politico-littéraires. L'entrée de Assia Djebar à l'Académie française, la plus haute institution littéraire francophone, semble avoir pris nos officiels de court. Il nous devient, en effet, coutumier d'apprendre, par la gratitude étrangère, que des talents participent, en notre nom, à la vie culturelle contemporaine. Pourtant, le prestige de la fille de Cherchell n'est pas récent. Depuis qu'elle débutait comme… journaliste, en 1962, en Tunisie, elle n'a cessé de mériter la reconnaissance universelle. Titulaire du Literatur Prize en 1989, du Neustadt Prize en 1996, membre de l'Académie royale de Belgique depuis 1999, reine de l'édition 2004 de Dedica en Italie, Assia Djebar n'en est pas à sa première distinction. Décidément, il ne sert à rien d'être un écrivain de génie et de renom si on n'en prouve pas l'utilité de ses aptitudes dans des campagnes électorales. Il n'y aura que la fierté des anonymes pour accompagner l'entrée de l'écrivaine qui a su si bien dénoncer l'ignorance et la médiocrité à l'Académie. Juste récompense d'une femme au grand cœur et d'une militante au long cours. M. H.