Le Congrès général national (CGN) issu des élections législatives du 7 juillet dernier et composé de 200 membres, dont 80 réservés aux partis politiques et 120 aux candidatures indépendantes, a organisé une cérémonie de passation de pouvoir avec le CNT, mercredi dernier à Tripoli, dans l'un des hôtels les plus luxueux de la ville. Tous les membres du CNT y étaient conviés, et c'est leur président, Moustapha Abdeljalil, qui a remis officiellement les pouvoirs détenus provisoirement par la structure née dans le feu de l'action à Benghazi en plein soulèvement populaire. "Je remets nos prérogatives constitutionnelles au Congrès général national qui est désormais le représentant légitime du peuple libyen", a-t-il déclaré, remettant ainsi symboliquement le pouvoir à Mohamed Ali Salim, le doyen des membres de la nouvelle assemblée. Le CNT, qui a tant bien que mal agrégé autour de lui le mouvement de révolte ayant conduit à la chute puis à l'assassinat du guide libyen, a surtout brillé en se faisant reconnaître par les capitales occidentales et l'Otan, dont l'intervention a été décisive dans le dénouement des événements en Libye. Depuis mercredi, il est donc officiellement dissous et son président a annoncé qu'il prenait sa retraite. Les 200 membres du CGN ont prêté serment devant le président de la Cour suprême libyenne et ont désigné, jeudi, un président en la personne de Mohamed Al-Megaryef, un septuagénaire originaire de Benghazi et opposant historique au guide libyen, après avoir occupé des postes de responsabilité dans les années 1970. Il a été, entre autres, ambassadeur de Libye en Inde, poste dont il a démissionné en 1980 pour passer à l'opposition. Il a alors fondé le Front du salut national libyen, auteur de plusieurs tentatives de coup d'Etat. En exil depuis 31 ans, notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, il aurait échappé à plusieurs tentatives d'assassinat par les services de Kadhafi. Islamiste proche de la mouvance des Frères musulmans, sa formation politique, rebaptisée Parti du front national en prévision des dernières élections, n'a remporté que 3 sièges sur les 200 que compte le CGN. Sa désignation est donc davantage la reconnaissance d'un parcours que le résultat d'un poids politique réel. Il aura désormais à diriger les travaux de la plus haute autorité législative du pays, mais l'on s'attend à ce que le Congrès lui donne d'autres prérogatives. Le CGN, qui doit officiellement entamer ses travaux cette semaine, est appelé à désigner un nouveau premier ministre et son gouvernement dans un délai d'un mois. Abdel Rahim Al-Kib, qui dirige l'exécutif intérimaire actuel, devra assurer la gestion des affaires courantes pendant ce temps. La nouvelle assemblée est aussi en charge de la rédaction d'une constitution, d'ici une année, avant l'organisation de nouvelles élections censées mettre un terme à la période de transition. La nature de la constitution qui régira la vie du pays est dans tous les esprits, mais il semble que la charia islamique y sera en bonne place. En effet, même si les courants islamistes identifiés en tant que tels n'ont pas gagné les élections, les "libéraux" et les indépendants, majoritaires dans le CGN, ressemblent davantage à des "objets politiques non identifiés" qu'à des courants de pensée que l'on pourrait ranger dans la case des modernistes. Si la transmission des pouvoirs du CNT vers le CGN s'est passée sans accroc, ce qu'il convient de saluer, l'équation libyenne n'en reste pas moins complexe et les défis sont aussi nombreux que difficiles à relever. Il s'agit, avant tout, de construire un Etat sur les décombres d'une Jamahiriya qui a privé le pays de toute structure moderne et de toute expression politique depuis plus de quarante ans. L'une des conditions pour ce faire est le retour vers la sécurité. Or le pays est dans le désordre le plus total, avec une population surarmée qui refuse de restituer les armes, des milices hors de contrôle qui disposent d'arsenaux entiers et des tribus dont les intérêts divergent et qui n'ont pas acquis la culture d'un Etat central. La bataille des positions dans les nouvelles instances dirigeantes ne fait que commencer et, au regard du nombre de groupes armés qui s'affrontent au quotidien, en dehors de tout contrôle et de toute autorité, le chemin risque d'être encore long et semé d'embûches. M. A. B