À coups de nuggets, de musique et de show, le Jamaïcain Usain Bolt a fini par entrer dans la légende de l'athlétisme en réalisant un nouveau doublé olympique sur 100 et 200 m, jeudi à Londres, dans une quête d'absolu qui mêle exigence et décontraction. Entré de plain-pied dans les livres d'histoire à Pékin en 2008, où il avait fait tomber la foudre en décrochant l'or sur 100 m, 200 m et 4x100 m, Bolt a désormais écrit un nouveau chapitre dans la nuit britannique en dépassant l'immense Carl Lewis, avec qui il partageait depuis dimanche le record du nombre de médailles d'or olympiques en sprint individuel, avec trois breloques glânées en 1984 et sur tapis vert en 1988. Sous la casquette, sommeille un homme de 25 ans qui n'aime pas le travail. Il aime la fête, s'amuser, il aime la vitesse, quitte à casser quelques voitures à l'occasion. Mais il est bien obligé de se mettre au travail. Car Bolt est un ‘extraterrestre normal' qui a vu de si près la défaite cette saison qu'il a compris qu'il lui faudrait immanquablement lever le pied sur "la vraie vie" pour devenir éternel. Le prodige de Trelawny est né pour le spectacle. DJ, à ses heures, il n'hésite pas à se mettre aux platines pour faire danser ses fans, comme le soir de son titre olympique à Pékin. Sur la piste, il se recoiffe ou fait mine de le faire avant les courses, il pose ses doigts sur ses lèvres, joue avec le public en reproduisant son signe de l'éclair... Bolt est tout cela bien sûr, c'est la ‘Foudre' tombée sur le monde de l'athlétisme, du pain béni pour ce sport. Mais Bolt, désormais, sera à jamais ‘la' star universelle de ce sport. Il est né, aussi pour l'athlétisme, un jour de Championnats du monde juniors, chez lui, en 2002. À 15 ans et 332 jours, Bolt devient l'enfant chéri de son île de 2,7 millions d'habitants et le plus jeune champion du monde juniors de l'histoire sur 200 m. La suite est connue depuis son premier 100 m en Crête, à Réthymnon, le 18 juillet 2007, jusqu'au faux départ de Daegu, en finale des Mondiaux l'an passé, qui voit son partenaire d'entraînement Yohan Blake capter un peu de sa lumière. Bolt n'est alors pas au mieux, il tergiverse. Le détenteur des records du monde des 100 et 200 m n'est plus seul au monde, et le show ne suffit plus. En juin 2012, lors des sélections jamaïcaines, l'Eclair Bolt prend même deux coups de jus de son jeune partenaire, qui le trompe -suprême douleur- avec son amour de jeunesse, le 200 m. L'immense gaillard de 1,95 m et 94 kg doit désormais se battre pour vivre. En délicatesse avec son départ, en délicatesse avec son physique qui l'empêche de s'aligner à Monaco le 20 juillet pour ce qui devait être son dernier réglage, Bolt se réfugie alors dans le travail et les soins. Il retrouve une certaine forme de gravité et, lors de la cérémonie d'ouverture, joue le porte-drapeau pour sa délégation, sans exubérance. Il s'accrochera surtout à ce qui a fait de lui la ‘Foudre' : un orgueil énorme et une haine de la défaite démesurée, pour se souvenir de ce qu'il veut : “être une légende". Aux oubliettes les nuggets, ces bouchées de poulet frites dans l'huile que le jeune champion insouciant dévorait avant la finale de Pékin en 2008. Londres, le champion aguerri aura montré au monde son féroce appétit pour la gloire.