Cette contribution appelle à un retour aux valeurs de compétences, d'intégrité et à l'esprit d'innovation et non à l'allégeance au pouvoir en place. Vieillissement des élites politiques issues de la guerre de libération nationale, gestion volontariste, obsolescence du système politique et enjeux de pouvoir internes, crise économique, sociale et culturelle et, enfin, contraintes externes de plus en plus pesantes ont révélé une réalité bien amère : l'absence dramatique d'une véritable stratégie nationale d'adaptation tant aux mutations internes qu'externes, une diplomatie non adaptée aux nouvelles réalités mondiales se croyant encore aux années 1970, le tout aboutissant à des incohérences au manque de visibilité dans la démarche. La conjonction de facteurs endogènes et exogènes et l'intervention massive – parfois directe et par moments insidieuse – d'acteurs internes et externes a abouti finalement à une crise systémique d'une ampleur inattendue et à une transition chaotique qui se traîne en longueur depuis au moins 1986 et malgré les évènements sanglants de 1991 à 2000, aucun changement de fond avec pour résultante le statu quo. Quelle perte de temps depuis des années ? L'objet de cette contribution est un bref rappel des conclusions de différents travaux que j'ai eu à diriger posant les liens entre les réformes politiques et économiques. Comme nous l‘ont appris les fondateurs de l'économie, Adam Smith, David Ricardo, Karl Marx, plus près de nous Joseph Schumpeter et les institutionnalistes l'économie est avant tout politique. 1. Un système devenu obsolescent L'absence volontaire ou préméditée d'une élite organique agissante, capable d'élaborer des idées structurantes et peser par ses analyses sur les tendances et les choix majeurs qui fondent et marquent le lien social, s'est faite sentir particulièrement face à la déferlante des idéologies peu crédibles et souvent impertinentes. La logique des alliances et la sémantique des discours politiques en vogue expriment actuellement cette sorte d'égarement intellectuel qui frappe de plein fouet l'action politique, particulièrement son rapport avec la société. Les Algériens veulent vivre leurs différences dans la communion et non dans la confrontation que leur imposent les idéologies réfractaires et à tous point de vue fragmentaires. La refondation de l‘Etat doit saisir les tendances réelles de la société algérienne en mutation. Le rôle de la recherche et la nécessité de nouvelles idées s'imposeront comme incontournable pour sortir du volontarisme populiste qui a empoisonné nos choix antérieurs. Le renforcement de l'état de droit avec la limitation des mandats présidentiels et une option claire entre soit le régime parlementaire ou le régime présidentiel devient alors plus urgent, quand on sait que la démocratisation des institutions et l'autonomisation vont encourager l'éclosion de nouvelles identités qu'on croyait mortes et qui exigent le pilotage d'un Etat et d'un pouvoir fort de sa légitimité et crédible de sa compétence. La refondation de l'Etat, pour ne pas dire sa fondation comme entité civile, passe nécessairement par une mutation profonde de la fonction sociale de la politique. La fin de l'Etat de la mamelle, puis celle de la légitimité révolutionnaire, signifie surtout que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisances inaugurées comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politiques et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. C'est la norme du droit qui reprend sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté nationale. Le passage de l'Etat de “soutien" à l'Etat de justice est de mon point de vue un pari politique majeur, car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la nation et l'Etat. La construction politique passe aujourd'hui nécessairement par la dialectique de l'alternance politique. L'Algérie ne peut revenir à elle-même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétence, de loyauté et d'innovation sont réinstaurés comme passerelles de la réussite et de promotion sociale. La compétence n'est nullement synonyme de postes dans la hiérarchie informelle, ni un positionnement dans la perception d'une rente, elle se suffit à elle-même, et son efficacité et sa légitimité se vérifient surtout dans la pertinence des idées et la symbolique positive qu'elle ancre dans les corps et les acteurs sociaux. Et la compétence n'est pas un diplôme uniquement, mais une conscience et une substance qui nourrissent les institutions et construisent les bases du savoir et la référence privilégiée des pouvoirs qui, sans elles, resteront alors prisonniers des schémas sans impact réel sur la dynamique sociale globale. Sans cela, les grandes fractures sont à venir et la refondation de l'Etat actuellement ne dépasserait pas une vaine tentation de vouloir perpétuer un pouvoir qui n'est plus en mesure de réaliser les aspirations d'une Algérie arrimée à la modernité tout en préservant son authenticité. La refondation de l'Etat ne saurait se limiter à une réorganisation technique (changement de gouvernement ou de ministres). Elle passe par une nouvelle gouvernance, une transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique et les hommes chargés par la nation de la faire, une moralité sans faille de ceux qui auront à diriger la cité avec cette corruption qui prend des tendances dangereuses pour l'avenir de l'Algérie étant facilitée par une économie totalement rentière. Après 50 années d'indépendance en ce mois de septembre 2012, l'économie algérienne se caractérise par 98% d'exportation d'hydrocarbures à l'état brut et semi-brut et important 70-75% des besoins des ménages et des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées. Sonatrach c'est l'Algérie, et l'Algérie c'est Sonatrach ayant engrangé entre 2000 et juin 2012 environ 560 milliards de dollars et allant vers 600 milliards de dollars fin 2012. Les réserves de change au 1er juillet 2012 sont d'environ 190 milliards de dollars, et selon le dernier rapport du FMI allant vers 200 milliards de dollars fin 2012. Par contre, au niveau de la sphère réelle, malgré une dépense publique de 7 milliards de dollars entre 2000-2002 entre 2004-2009 et 286 entre 2010-2014 mais dont 130 milliards de restes à réaliser. Le rapport de 2009, toujours d'actualité, de la Banque mondiale remis aux autorités algériennes, montre clairement des projets inutiles, des abandons de projets, des projets non maturés, des retards de plusieurs années et des surcoûts pour certains projets allant de 30 à 40%. Malgré l'importance de la dépense publique le taux de croissance moyen 2004-2012 ne dépasse pas 3% en termes réels, alors qu'il aurait dû dépasser 10%, l'Algérie dépensant deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats comparée à des pays similaires de la région MENA. Le taux de croissance (production intérieure brut – PIB) hors hydrocarbures des officiels de 5-6% est biaisé. Le taux de croissance du BTPH et la majorité des secteurs hors hydrocarbures est du à plus de 80% à la dépense publique via les hydrocarbures, laissant aux entreprises créatrices de richesses pouvant s'insérer dans le cadre des valeurs internationales moins de 20% du PIB. Il y a dépérissement du tissu productif (le secteur industriel représentant moins de 5% dans le PIB), du fait des contraintes d‘environnement notamment le poids croissant paralysant de la bureaucratie et de l‘instabilité juridique qui freine l'épanouissement de l'entreprise locale ou étrangère créatrice de richesses durables du fait du manque de vision stratégique. Le rapport, publié à Genève le 5 septembre par le Forum économique mondial de Davos, a passé au crible les 144 pays les plus importants économiquement dans le monde. Globalement, l'Algérie occupe la 110e place, soit 3 rangs plus bas que l'année 2011, 93e au niveau des soins de santé et de son système d'enseignement ; 89e en matière d'“exigences de base", 144e (la dernière) en matière de “facteurs d'innovation et de sophistication" avec un score déplorable de 2,31, et 136e en termes de “efficiency enhancers" (indicateurs d'efficience). suite de la page 13 Parmi les cinq, sur les seize facteurs, qui entravent le développement économique en Algérie figurent les lenteurs bureaucratiques (1), l'accès au financement (2), la corruption (3), l'absence d'infrastructures (4) et le manque de main-d'œuvre qualifiée. Une enquête de l'ONS publiée officiellement le 10 août 2012 montre clairement que le tissu économique national est fortement dominé par les micro-unités dont les personnes physiques à 95%, alors que les personnes morales (entreprises) représentent seulement 5%, et que le secteur commercial et services concentrent 83% des activités de l'économie algérienne en 2010, soit 88% du total, ce qui dénote clairement le caractère tertiaire de l'économie. Aussi, grâce à cette aisance financière artificielle, dépenser sans compter, importer au lieu de privilégier la production locale se fondant tant sur l'entreprise locale ou étrangère créatrice de richesses, telle est la situation de l'actuelle gouvernance. C'est le syndrome hollandais. Car la gouvernance est une question d'intelligence et de légitimité réelle et non fictive. Cela implique des réaménagements dans l'organisation du pouvoir devant poser la problématique stratégique du futur rôle de l'Etat largement influencé par les effets de la mondialisation dans le développement économique et social, notamment à travers une réelle décentralisation. Les exigences d'un Etat fort de sa droiture et de son droit, si elles constituent un outil vital pour la cohésion nationale et le destin de la nation, ne doivent pas occulter les besoins d'autonomie de pouvoirs locaux qui doivent être restructurés en fonction de leur histoire anthropologique et non en fonction des nécessités électoralistes ou clientélistes. La cohésion de ces espaces et leur implication dans la gestion de leurs intérêts et de leurs territorialités respectives enclencherait alors une dynamique de compétitions positives et rendront la maîtrise des groupes loin de la centralité politique largement dépassée. L'autonomie des pouvoirs locaux ne signifie pas autonomie de gouvernement mais un acte qui renforce la bonne gouvernance en renforçant le rôle de la société civile. Cellule de base par excellence, la commune algérienne a été régie par des textes qui ne sont plus d'actualité, autrement dit, frappés de caducité. L'objectif central de notre analyse se veut une tentative devant transformer la commune “providence" en “commune entreprise". Cela suppose que toutes les composantes de la société et les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle soient impliqués, sans exclusive, dans le processus décisionnel qui engage la configuration de l'image de l'Algérie de demain qui devra progressivement s'éloigner du spectre de l'exclusion, de la marginalisation et de toutes les attitudes négatives qui hypothèquent la cohésion sociale. L'implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l'avenir des générations futures est une manière pour l'Etat, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d'arbitre de la demande sociale. L'image de la commune-manager doit reposer sur la nécessité de faire plus et mieux avec des ressources restreintes. Il n'y aurait donc plus de place pour le gaspillage et le droit à l'erreur, ce qui exclut obligatoirement le pilotage à vue, au profit des actions fiabilisées par des perspectives de long terme d'une part, et les arbitrages cohérents d'autre part, qui impliquent la rigueur de l'acte de gestion. Ce qui nous amène à aborder les fondements politico-institutionnels démocratiques, la refonte du système partisan et de la société civile. 2. Un système partisan inefficient et une société civile impotente En raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappe la majorité d'entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l'endroit du militantisme partisan, les formations politiques actuelles sont dans l'incapacité aujourd'hui de faire un travail de mobilisation et d'encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique, et donc d'apporter une contribution efficace à l'œuvre de redressement national. Pour preuve, les dernières élections législatives du 10 mai 2012. Les bulletins nuls ont représenté 7,87% par rapport aux inscrits (une nette progression par rapport à 2007), ce qui nous donne 100 moins 43,14% soit un taux d'abstention de 56,86% plus 7,87% de bulletins nuls, donnant le nombre de personnes n'ayant pas fait un choix de 64,73%, environ les deux tiers de la population algérienne. A. M., expert international en management stratégique