À la veille de la visite de François Hollande en Algérie, présentée “d'importante" par Yamina Benguigui, ministre française déléguée chargée de la Francophonie lors de son récent séjour à Alger, des voix s'élèvent pour remettre sur le tapis les demandes “d'excuses", voire de “repentance" à la France pour son passé colonial. Abdelaziz Belkhadem du FLN, les islamistes, le président de la CNCPPDH, Me Farouk Ksentini, le président de la Fondation 8-Mai 45 ou encore, dernier en date, le ministre des Moudjahidine, Chérif Abbas, ont tour à tour, ces dernières semaines, repris en chœur la même rengaine pour exiger une reconnaissance franche par la France de son passé colonial en réclamant des excuses. Mais une voix dissonante, et non des moindres au sein de l'Exécutif, celle du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, vient d'émettre des réserves par rapport à cette requête. L'ancien “malgache", qu'on ne peut soupçonner de sympathies avec l'ancienne puissance coloniale, développe un autre point de vue. “Maintenant se repentir, cela veut dire quoi ? Demander des excuses, cela veut dire quoi aussi ?", s'est-il interrogé, avant-hier jeudi, dans les colonnes du Soir d'Algérie. “Moi, sincèrement, je pense qu'il faut dépasser tout cela", a-t-il dit. “Moi, je n'exprime pas une position officielle, mais ma position personnelle sur le sujet. Je considère que ces choses-là sont dépassées. La parenthèse est fermée (...), aujourd'hui, il faut envisager l'avenir et je pense que ce n'est pas en ressassant perpétuellement les mêmes demandes, les mêmes exigences que l'on fera avancer les choses", a-t-il encore ajouté. Daho Ould Kablia, dont les propos reflètent sans doute une opinion au sein des cercles décideurs, même s'il prend le soin de préciser qu'il exprime un avis personnel, en rejoint d'autres avant lui, comme le défunt Abdelhamid Mehri ou encore Ahmed Ouyahia qui voient dans cette requête à la France “un fonds de commerce". “Je pense que le pardon n'a pas de sens, nous avons mené une résistance conclue par une victoire, dès lors nous n'avons pas besoin d'excuses", avait affirmé en 2008 Abdelhamid Mehri lors d'un entretien accordé à notre confrère El Khabar. “Qui a demandé pardon ? Qui a cristallisé cette idée en Algérie ? Que signifie repentance ?", s'était-il demandé. Dans un entretien au même journal, en mars 2012, l'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en rajoute une couche en estimant que ce dossier qui est “politicien", est “devenu un fonds de commerce". Mais Daho Ould Kablia cherche-t-il à créer les conditions d'un climat apaisé pour la visite de Hollande ou exprime-t-il une conviction partagée ? En tout cas, il semble suggérer que les sorties notamment du ministre des Moudjahidine relèvent de la surenchère. Et signe de la volonté d'Alger d'ouvrir une nouvelle page avec Paris, le refus des autorités de répondre officiellement à la provocation de l'ex-ministre Gérard Longuet. Daho Ould Kablia confirme même, par certains aspects, les récents propos de Laurent Fabius, ministre français des AE. “Le voyage algérien du président Hollande ne donnerait pas lieu à une repentance de la France sur son passé colonial. Les Algériens ne souhaitent absolument pas qu'on fasse un voyage tourné vers le passé." Il reste que, comme en 2007, lorsque Chérif Abbas a failli torpiller la visite de Sarkozy en évoquant ses origines, avant que Bouteflika ne le rappelle à l'ordre en l'excluant des cérémonies, les dissonances au sein de l'Exécutif traduisent des tiraillements au sommet. K K