Jamais une institution de la République, fondée constitutionnellement, n'a focalisé autant de passions et cristallisé autant de mécontentements comme la commune. De par les décisions et les actes de proximité qu'elle prend, ainsi que les larges prérogatives locales dont elle est investie, l'APC constitue l'objet de toutes les convoitises. Ce chiffre effarant, mais pas étonnant, livré par Malek Serrai au forum d'El-Moudjahid, prouve, si besoin est, que cette institution hautement sensible, les événements des années 1990 l'ont largement prouvé, doit être prémunie contre trois écueils majeurs. Il s'agit en premier lieu des tentations partisanes et sectaires qui font fi du caractère citoyen de cette cellule de base de l'organisation sociale et économique de la nation. Dans cet esprit, les élus locaux doivent mettre l'intérêt général de la collectivité locale au-dessus de leur appartenance politique. En deuxième lieu, bien évidemment, les tentations “hégémonistes" de l'administration centrale, de “brider" cet espace d'autonomie d'action, parce qu'il permet aux citoyens, à travers leurs élus, de participer aux prises des décisions qui concernent leur vécu quotidien. Enfin, le troisième écueil à éviter et à combattre consiste en la survivance des pratiques féodales, rentières et prédatrices de certains élus locaux. Ces derniers perçoivent l'accès à la tête de la commune, non pas comme le résultat d'une compétition saine entre formations politiques sur la base de programmes différenciés, tendant à résoudre les problèmes des citoyens, mais comme un moyen d'enrichissement et de distribution de la rente à ceux qui ont leurs faveurs, c'est-à-dire leur prébende. C'est probablement à cet équilibre auquel Ould Kablia pense lorsqu'il évoque le nouveau code communal dans plusieurs de ses sorties médiatiques. Mais en attendant, la gestion des APC poursuit son chemin chaotique au détriment de l'intérêt des citoyens. Ce qui avait fait dire à M. Zerhouni, ministre de l'Intérieur des Collectivités locales en 2006, dans une émission radiophonique de la chaîne 1 que “les élus locaux peuvent compter sur mon appui, sauf quand il s'agit de corruption ou de détournement". En termes de bilan, selon certaines sources, 40% des communes étaient déficitaires en 2009, plusieurs autres ont été bloquées faute de consensus au sein de leur exécutif. 1650 élus environ sont poursuivis en justice, de nombreux autres sont en prison pour malversations ou détournement, sans compter les éventuelles révélations qui viendraient sanctionner les investigations en cours, diligentées par les sévices spécialisés de la puissance publique. Au-delà des nécessaires adaptations des textes qui régissent les collectivités locales, l'on serait tenté de penser que toutes les institutions élues posent à la fois un problème de légitimité lié à la transparence des urnes ainsi qu'à la crédibilité des élus et de leurs pratiques de gestion, dans beaucoup de cas, entachées d'irrégularités, de malversations et de corruption. Ce n'est tout de même pas le fait du hasard si les dispositions de la loi qui oblige les élus locaux (comme d'autres responsables du reste) à déclarer et à afficher leur patrimoine dans leurs communes respectives au début et à la fin de leur mandat ne sont pas respectées jusqu'à aujourd'hui. Une telle situation ne peut perdurer, car la commune, cellule de base de l'architecture économique, sociale, culturelle et politique de la société, est une institution dont le bon fonctionnement et la stabilité déterminent en grande partie la cohésion sociale et l'unité nationale. Gardons-nous cependant de verser dans les amalgames. Dans ce climat délétère en général, il faut relever tout de même que beaucoup d'élus, en dépit des contraintes objectives auxquelles ils sont confrontés, notamment celles du financement de leurs activités et de leurs programmes de développement, continuent à œuvrer inlassablement pour la promotion économique, sociale et culturelle de leurs communes. In fine, il appartient aux formations politiques, qui, souvent sont promptes à soupçonner l'administration de tentations manipulatrices, de mobiliser leur électorat autour de candidats crédibles. La responsabilité n'est pas synonyme de privilèges mais plutôt de devoirs et de conscience morale envers la collectivité nationale. A. H.