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MALI : Le refus algérien d'une intervention armée (3e partie)
Les magiciens créateurs de terrorisme
Publié dans Liberté le 25 - 11 - 2012

Depuis 2006, les rébellions touareg instrumentalisées par Kadhafi se sont tues, puis le Printemps arabe vient subitement créer une génération spontanée de formations maliennes. Le MNLA fait sa déclaration d'indépendance sur la chaîne Al-Jazeera, la télé du manipulateur d'une simple marionnette. En ressuscitant les vieux démons séparatistes, il a créé une situation de chaos qui met en danger sa propre existence, car les groupes islamistes qui l'ont utilisé pour occuper le Nord Mali lui ont tiré dans la patte et il a pris ses jambes à son cou, ne faisant pas le poids face au nombre et à la puissance des islamistes. Si les velléités d'une République de l'Azawad sont étouffées dans l'œuf, celles d'une zone islamique libérée a causé la fuite de près de 400 000 réfugiés, des centaines de morts, une crise humanitaire grave...
Face au risque d'une intervention armée qui ouvrirait la boîte de Pandore de l'afghanisation au Sahel, l'Algérie veut couper l'herbe sous le pied d'Aqmi et du Mujao en récupérant le MNLA et Ansar Dine, leurs ennemis jurés, pour rétablir l'autorité de Bamako sans ingérence étrangère. Réussira-t-elle à le faire, même avec l'aide du Maroc et des autres pays du Maghreb qui ont les mêmes craintes ? Maintenant que le projet demandé par la résolution 2071 a été adopté par la Cedeao, ne reste que son adoption ou son rejet par les membres du même CSNU. La France, ancienne puissance coloniale, aujourd'hui soucieuse des droits de l'homme au Mali et en Syrie mais pas en Palestine, dit qu'elle ne participerait qu'en soutien logistique à une intervention entérinée par le Conseil de sécurité. Nul ne doute que les USA cachent aussi leur jeu, mais ils voteront pour une résolution d'intervention, attendue comme un blanc-seing pour des enjeux à la fois complémentaires et concurrents de ceux de la France. Des plans s'élaborent et se mettent sur le terrain, mais leurs desseins n'apparaissent que lorsqu'ils sont sur le point d'avaler leur proie.
En 2002, George Bush a créé le plan Pan Sahel afin de lutter contre le terrorisme dans le Sahel, or il n'y avait pas de terroristes au Sahara ni dans ses régions sud, est et ouest, même après dix années de troubles dans notre pays. Comment vouloir combattre les terroristes sur un territoire où le phénomène n'existait pas si ce n'est pour le créer ? Comme par hasard, dès l'année suivante, entre 2003 et 2004, le groupe d'El-Para kidnappe plusieurs groupes de touristes au Sahara ! Le groupe terroriste nigérian Boko Haram est créé en 2002. Entre 2007 et 2008, la Mauritanie subit des attaques et des enlèvements d'Aqmi. Le terrorisme était inconnu en Irak avant 2003, aujourd'hui ce pays est son fief. En 2008 apparaissent les djihadistes d'Al-Shabab en Somalie. Moubarek et Ben Ali ont éradiqué le terrorisme que le Printemps arabe vient ressusciter en Egypte et en Tunisie... Idem pour la Libye et surtout la Syrie actuellement...
En 2005, le programme US Pan Sahel deviendra la Trans Sahel Conter Terrorism Partnership dont l'objectif était de former les forces militaires des sept pays sahariens “volontaires" dans leur lutte contre leurs différents ennemis, y compris terroristes. La tactique du pyromane pompier... Les USA ont aussi un programme appelé Counter Terrorism Train and Equip' destiné à apporter de l'aide militaire à des pays du Maghreb et d'Afrique subsaharienne (Algérie, Burkina Faso, Tchad, Libye, Mali, Mauritanie, Maroc, Niger, Nigeria, Sénégal, Tunisie) en leur offrant quelques armes et véhicules, du matériel de communication, des pièces de rechange et des tenues militaires. Il permet d'avoir un pied à terre dans ces pays en attendant mieux, une base militaire, un puits de pétrole ou une exploitation minière, par exemple.
Des soldats français et US déjà au Mali
Une fois le terrorisme installé en Afrique, George Bush décide de créer, en 2007, un commandement unifié pour l'Afrique (United States Africa Command) dont l'acronyme est Usafricom ou Africom et destiné, en premier lieu, à coordonner toutes les activités militaires et sécuritaires états-uniennes sur ce continent. Son deuxième but est la “géopolitique du pétrole", soit la sécurisation des approvisionnements américains par le golfe de Guinée afin d'amoindrir la dépendance aux réserves du Moyen-Orient. Le troisième but est la compétition économique afin de contrer par un pré-positionnement militaire US la montée en puissance de la Chine.
Parmi ces objectifs, on ne sait lequel est prioritaire, car comptent beaucoup pour les USA les nécessités de défense pure, soit la dépense du budget militaire dans des conflits nécessaires pour le fonctionnement du complexe militaro-industriel. Ce n'est qu'à cela essentiellement qu'ont servi les guerres d'Afghanistan et d'Irak depuis 2003. Car il faut savoir que la Maison-Blanche a dépensé près de 5000 milliards de dollars en dix ans en Irak et en Afghanistan, sommes qui sont allées dans les coffres du complexe militaro-industriel et ceux d'autres entreprises états-uniennes.
La recette est simple : on crée la pauvreté dans un pays, et lorsqu'il devient ingouvernable on y envoie des terroristes qu'il s'agira d'éliminer sous prétexte qu'ils menacent le “monde libre". Ainsi, la chaîne de production d'armes tourne à fond, pour doter à la fois les terroristes et les pays qui combattent le terrorisme. En 2008, Jeremy Keenan, un anthropologue très au fait des choses du terrorisme et du renseignement, écrivait dans la revue d'intelligence Menas : “Rares sont les endroits au monde qui ont été autant sujets à désinformation que le nord du Mali et sa frontière avec l'Algérie. Il est vrai que c'est le point focal de l'administration Bush en ce qui concerne sa fabrication d'un second front saharien dans sa soi-disant guerre contre le terrorisme." M. Medelci aurait dû prendre ses dispositions en 2008 pour déjouer le plan sur l'agenda !
En 2009, le Mali a bénéficié du programme Trans Sahel Conter Terrorism Partnership mais au préalable, les USA ont imposé à ce pays criblé de dettes une restructuration qui l'a davantage affaibli puis entraîné dans le gouffre actuel. En un tour de passe-passe américo-franco-qatari, voilà le Mali coupé en deux, avec un nord occupé par une nébuleuse d'islamistes et de pseudo-rebelles également à la solde.
Il est clair que le Grand Echiquier de Zbigniew Brzezinski est en train de se mettre en place, au grand dam de ceux qui ne lisent pas et ne prévoient pas. Il est clair qu'un impérialisme prédateur est en train de redéfinir ou d'étendre ses zones d'influence à nos frontières et à la faveur du système unipolaire qui lui donne l'avantage.
Le Qatar est l'un de ses outils, mais il a aussi ses intérêts. Intérêts : le maître mot des relations internationales. Les naïfs parlent de divergences franco-états-uniennes. Si elles existent, celles-ci doivent nécessairement converger vers un seul point : la défense de leurs intérêts spécifiques et leurs intérêts communs.
La realpolitik impose de la prudence aux USA pour gagner les populations qui commencent à mesurer les conséquences des “printemps arabes", surtout à l'aune des massacres à Gaza. Quant à François Hollande, il pense que le socialisme le blanchit du passé colonialiste de son pays et se croit autorisé à parler d'ingérence humanitaire, comme si l'Algérie n'était pas concernée par le malheur de ses voisins. Officiellement, la France veut “seulement avoir un rôle de facilitateur. Pas question d'envoyer des troupes au sol". Hollande dit qu'il “écarte, pour l'instant, l'éventualité de frappes aériennes". Si ces frappes avaient lieu, d'où partiraient les avions français ou atlantiques ? Selon certaines sources, la France aurait déjà envoyé des troupes spéciales (environ 200 hommes) sur le terrain malien, et les USA en auraient envoyé
400 militaires. L'envoi de petites unités spéciales équivaut dans le domaine militaire actuel à l'envoi d'un bataillon. La diplomatie dit non-ingérence, mais les faits attestent le contraire.
Le droit d'ingérence... impérialiste
L'objectif avoué d'une intervention au Mali est la lutte antiterroriste, mais cet alibi a souvent eu bon dos pour l'occupation de régions convoitées, si ce n'est un argument créé de toute pièce, les cas afghan et irakien étant des classiques des nouvelles ruses de l'impérialisme camouflé en ingérence humanitaire.
En effet, le vœu du sioniste français Bernard Kouchner finira par se concrétiser, et l'ONU par adopter une résolution en 2009 autorisant la responsabilité de protéger, la R2P (Responsibility To Protect) qui permet à la “communauté internationale" de s'ingérer pour pallier les “défaillances" d'Etats incapables de prendre en charge leur propre population. C'est pour sauver des populations civiles de prétendus massacres que l'ONU a adopté la résolution 1973, qui a permis à l'Otan d'intervenir en Libye. Au nom de cette ingérence humanitaire, la France est pressée d'intervenir pour s'incruster dans un Mali convoité dont le Président déchu, Amadou Toumani Touré, lui aurait refusé l'installation d'une base militaire. En forçant la main aux nouvelles autorités, putsch-invasion-libération aidant, Paris finirait par avoir sa base. Les USA, eux aussi, cherchent un pays où installer la base de l'Africom, et ils la trouveront probablement dans le pays qui s'avérera le plus faible, ou le plus choyé par de futurs libérateurs...
Il est normal que l'Algérie cherche la solution pacifique, non pas par angélisme mais par réalisme et connaissance du phénomène terroriste, du terrain où il se développe et, surtout, des connexions qui le lient aux forces manipulatrices de l'ombre, occidentales essentiellement. D'ailleurs, tout en condamnant le projet d'intervention, Ansar Dine et le MNLA sont disposés à dialoguer, car aucun d'eux n'est suffisamment représentatif pour être exigeant, ce qui laisse penser qu'il est possible de désamorcer la crise “politique" pour se consacrer à la lutte antiterroriste contre Aqmi, le Mujao et d'autres groups djihadistes qui prolifèrent dans la région.
Ce ne sont pas les rebelles ni des terroristes qui font peur, mais ceux qui peuvent les instrumentaliser et perpétuellement mettre de l'huile sur le feu. Les mouvements séparatistes touareg n'ont existé qu'au Mali et au Niger, alors que la communauté existe en Algérie, en Libye, au Burkina Faso et au Tchad.
Mais si d'autres manipulateurs entrent en scène, les mouvements actuels risquent de se re-fédérer, voire de solidariser des populations autour d'eux, avec une extension territoriale du conflit ou même de susciter des velléités séparatistes là où elles n'existent pas encore. Rappelons que la “proclamation de l'indépendance de l'Azawad" s'est faite sur les ondes d'Al-Jazeera : la chaîne des scoops a eu la primeur, comme par hasard, pour tout ce qui concerne les révolutions arabes ou qui peut s'y rapporter.
A.E.T.
A suivre


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