Dans le cadre des festivités commémorant le 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, la Fondation Emir-Abdelkader a célébré le 180e anniversaire de la première Moubaya'a à l'Emir Abdelkader par l'organisation, samedi à Oran, d'une conférence portant sur la “problématique de la Moubaya'a" et son corollaire la “bonne gouvernance", présentée par le professeur Larbi Djeradi, de l'université de Mostaganem. La Moubaya'a de l'Emir Abdelkader s'est déroulée le 21 novembre 1832 à Ghriss, dans la wilaya de Mascara, sous l'arbre mythique de “Derdar" scrupuleusement conservé. Le conférencier fera remarquer que cette “allégeance" est l'acte fondateur de l'Etat algérien créé par l'Emir Abdelkader dans le “sens le plus formidable du terme". Mais pour lui, le sens étymologique du terme “moubaya'a" (allégeance) altère significativement son essence. Il propose donc une lecture plus appropriée, puisque, à ses yeux, le terme est plutôt proche de l'investiture. “Cette qualité a été attribuée par les fidèles au Prophète (QSSL) qui l'ont choisi par rapport à la dimension de l'homme qui se situe dans ses perspectives à lui (Emir Abdelkader)." Le conférencier a usé de tableaux comparatifs pour appuyer son intervention, indiquant que c'est sur la base de “la référence doctrinale et ‘mohamedienne' que s'est effectuée l'investiture de l'Emir Abdelkader. Une approche divine qui a marqué l'histoire algérienne, maghrébine, méditerranéenne et mondiale", affirme-t-il. Ainsi, la sacralité de l'acte d'investiture “dépasse le cadre étroit de la démocratie, car elle intègre la ‘choura' ou concertation." L'orateur justifie ce substrat par le “référent sacré" lié à la “Moubaya'a" qui n'est pas un “acte politique (...) mais repose sur le prolongement de la sacralité." Une démarche qui apparaît aux yeux de l'orateur comme l'archétype de l'acte d'allégeance consacré au Prophète (QSSL). La dimension cognitive, spirituelle, religieuse, militaire et humaine de l'Emir Abdelkader n'est plus à démontrer. L'Emir Abdelkader apparaît pionnier, comme en témoigne l'extrait de cette correspondance adressée vers 1845 par l'Emir à Monseigneur Dupuch, archevêque d'Alger : “Envoyez un prêtre dans mon camp. Il ne manquera de rien. Je veillerai à ce qu'il soit honoré et respecté comme il convient. Il priera chaque jour avec les prisonniers, il les réconfortera, il correspondra avec leurs familles. Il pourra ainsi leur procurer le moyen de recevoir de l'argent, des vêtements, des livres." L'Emir Abdelkader fut, de l'avis même de ceux qu'il avait combattus, un illustre homme d'Etat, un humaniste respecté. Il avait participé, aux côtés d'autres grandes personnalités de ce monde, à poser les premiers jalons du droit international humanitaire. Il partageait avec Henry Dunant l'idée d'aller vers une codification de la guerre. Pour ce qui est du traitement des prisonniers, l'Emir avait une longueur d'avance sur Dunant dont l'action donna naissance au Mouvement international de la Croix-Rouge, fondé en 1863. Larbi Djeradi invite ceux qui voient dans la Moubaya'a une allégeance plutôt une “investiture" qui est issue d'un pacte entre l'Emir Abdelkader et ceux qui l'ont choisi pour diriger le gouvernement du pays et combattre l'ennemi. Une idée qui n'est pas partagée par des intervenants lors des débats qui ont plutôt opté pour l'expression “consécration". Rappelons qu'une rencontre sur les “khalifes" de l'Emir Abdelkader se tiendra les 14 et 15 décembre prochain à Koléa (Tipasa). K. R-I