En demandant au président égyptien d'œuvrer au consensus, une semaine après avoir affiché publiquement ses inquiétudes au sujet de la situation prévalant dans ce pays, Washington montre clairement qu'il est loin d'être rassuré à la veille du référendum sur le projet de Constitution, maintenu malgré une forte opposition. Pendant que partisans et adversaires du projet de Constitution, qui est présenté au vote populaire sous haute protection policière et militaire en raison des vives tensions qu'il provoque dans le pays, se préparaient hier à de nouvelles manifestations au Caire, les Etats-Unis, ont demandé, jeudi, au président islamiste Mohamed Morsi d'œuvrer à un “consensus national". Washington, qui s'inquiète depuis des semaines de la violente crise politique en Egypte, affirme, par la voix de la porte-parole du département d'Etat, Victoria Nuland : “Nous appelons les dirigeants politiques égyptiens de tous bords à dire clairement à leurs soutiens que toute forme de violence durant le vote est inacceptable et nous appelons le peuple d'Egypte à faire tout son possible pour éviter la confrontation et la violence". Dans un avertissement lancé à M. Morsi, la diplomate américaine a demandé au “premier dirigeant démocratiquement élu en Egypte de montrer la voie avant, pendant et après le vote afin de continuer à essayer de bâtir un consensus national". “Faute de quoi, a mis en garde Mme Nuland, “nous allons voir se répéter le genre de tensions des derniers mois". Elle estime que le référendum est un “moment démocratique clé pour l'Egypte". Ceci étant, le référendum se déroulera sous haute sécurité. Près de 130 000 policiers seront déployés. Ils seront épaulés par 120 000 soldats, conformément à la demande du président Morsi dans un décret permettant à l'armée d'arrêter des civils en cas d'incidents le temps du vote. “Les chars dans la rue pour la bataille du oui et du non", titrait hier le quotidien indépendant “Al-Masry al-Youm". La division du pays en deux zones de vote successives a été décidée in extremis, manifestement pour faire face à un boycott de nombreux magistrats chargés d'assurer la supervision du scrutin. Hier, partisans et adversaires d'un projet de Constitution manifestaient hier en Egypte avant le début aujourd'hui du référendum. Des accrochages se sont produits à Alexandrie, la deuxième ville du pays, entre des groupes d'islamistes partisans du oui et des opposants prônant le non, qui ont échangé des jets de pierres, tandis que la police tentait de rétablir le calme, ont rapporté des témoins. Au Caire, quelque 2 000 partisans du président islamiste Mohamed Morsi étaient rassemblés devant une mosquée de l'est de la capitale, à l'appel de partis islamistes, pour soutenir le projet de loi fondamentale. Le projet de Constitution vise à doter le pays d'un cadre institutionnel stable, censé, selon ses partisans, refléter les changements intervenus dans le pays depuis la chute de l'autocrate Hosni Moubarak début 2011. L'opposition laïque, de gauche et libérale dénonce en revanche un texte adopté en toute hâte par une commission dominée par les islamistes, qui engendre, selon elle, une islamisation accrue de la législation et contient des lacunes en matière de protection des libertés. Ce référendum est également vu comme une forme de vote de confiance pour le président Morsi, issu des Frères musulmans, élu à une courte majorité de 51,7% des voix en juin. Mohamed Morsi peut compter sur la capacité de mobilisation de la puissante confrérie islamiste, mais il fait face à une profonde crise économique qui provoque le mécontentement populaire. Quelle que soit l'issue, ce référendum “va exacerber les tensions politiques et les ressentiments" entre un président qui a fait le choix de maintenir un texte controversé et une opposition dopée par la vague de contestations, estime Hani Sabra, un expert du centre d'analyse économique américain Eurasia Group, dans une note. Mohamed E-Baradei, prix Nobel de la Paix et figure de proue de la principale coalition de l'opposition, le Front du salut national (FSN), a déclaré que le projet de Constitution était “nul et non avenu", et que s'il était adopté, ses adversaires “feraient tout pour le faire tomber avec les moyens démocratiques et pacifiques". Le patriarche de la communauté copte (chrétiens d'Egypte, 6 à 10% de la population), Tawadros II, a pour sa part “appelé les Egyptiens à participer au vote", sans exprimer ouvertement de préférence pour le oui ou le non. M T