Et si la démission d'Ahmed Ouyahia n'était qu'une manœuvre tactique pour prendre de cours les redresseurs en leur imposant des donnes qu'ils n'avaient pas prévues ? Inattendue, c'est le moins que l'on puisse dire de la décision d'Ouyahia de remettre son mandat. On n'est pas habitué à voir des responsables démissionner. La pratique n'est pas dans les mœurs des politiques. C'est ce qui fonde notre questionnement sur les véritables motivations d'Ouyahia. Dans une lettre rendue publique, le 3 janvier dernier, sur le site du RND, Ahmed Ouyahia fait le point sur la crise du parti et décide de se démettre de ses fonctions de secrétaire général, à compter du 15 janvier 2013. “Une division s'est instaurée au sein du conseil national au motif déclaré de ma mission de secrétaire général du parti (...) et le mouvement qui est à l'origine de cette crise a choisi d'agir en dehors du cadre institutionnel du parti. Un grand nombre de signataires des pétitions en circulation ne sont pas membres du conseil national", écrit Ahmed Ouyahia. Pour lui, il est clair, les redresseurs évoluent dans un cadre extra-organique. Il en veut pour preuve “le processus d'installation de bureaux locaux parallèles (...) à travers certains chefs-lieux de wilaya". C'est pourquoi, maintenant que les échéances électorales (élections locales et sénatoriales) sont passées, il a jugé qu'il est grand temps de s'occuper de cette crise qui “risque d'évoluer vers une dérive dangereuse pour l'avenir du parti". Mais pourquoi démissionner ? Notons de prime abord que la démission d'Ahmed Ouyahia ne prend effet qu'à compter du 15 janvier. À deux jours de la tenue du conseil national du parti. Dans sa missive, Ouyahia prend même des airs solennels. “Mes responsabilités m'imposaient aussi de convier la réunion du conseil national les 17, 18 et 19 de ce mois (janvier, ndlr), et d'assurer sa préparation matérielle et logistique." Comme pour dire qu'il ne se dérobe pas à son devoir de sauver le parti de la dérive. Dans son diagnostic de la crise actuelle du RND, Ahmed Ouyahia semble plus craindre pour l'unité du conseil national. “Il est impératif de circonscrire la crise actuelle en évitant que les différences de positions entre les membres du conseil national n'évoluent vers une division au sein de cette instance", écrit-il. C'est pourquoi il décide de démissionner à deux jours de la tenue du conseil national et non le 3 janvier. Entre-temps, Ouyahia est toujours secrétaire général du parti, chargé de convoquer le CN et de décider de l'ordre du jour. Et il n'est pas à exclure que le conseil national désigne un proche du SG sortant. Le scénario le plus rocambolesque serait un appel lancé le jour J par le conseil national au “frère" Ouyahia l'implorant d'assumer ses responsabilités en cette “période historique des plus difficiles". Notons déjà qu'il n'est pas à écarter que le conseil national unisse ses effectifs pour désavouer le clan Yahia Guidoum et réitère son allégeance au “frère" Ahmed Ouyahia. C'est de l'ordre du possible. D'autant que, dans cette perspective, Ouyahia pourrait faire son retour par la grande porte. Et en tant que présidentiable, pourquoi pas. La réaction trop méfiante des redresseurs À lire la déclaration des redresseurs, signée Yahia Guidoum, on reste dubitatif. Pourquoi s'empresser d'entériner la démission d'Ouyahia en déclarant qu'elle est “effective et immédiate" à compter du 3 janvier, alors qu'elle ne prendra effet qu'à partir du 15 ? Ceci relève des prérogatives du congrès et non du CN. Encore moins du mouvement de redressement mené par Yahia Guidoum qui n'est pas censé ignorer les statuts de son propre parti. Le SG rend compte au congrès qui l'a élu et non au CN. On relève dans cette même déclaration le rejet de la date arrêtée par Ahmed Ouyahia pour la tenue du conseil national du Rassemblement. On y lit que cette instance, responsable entre deux congrès, sera convoquée ultérieurement. Les redresseurs s'arrogent... les délais qu'il faut pour “unifier et mobiliser leurs cadres" en vue de tenir le conseil national. Est-ce à dire que les membres du CN ne sont pas acquis aux redresseurs ? Ces derniers évoluent-ils en dehors des structures “légitimes" du parti ? Car on a du mal à comprendre leur refus de la tenue du conseil national qui désignera un SG par intérim et convoquera un congrès extraordinaire. La tenue du congrès n'est-elle pas la finalité de toute leur démarche ? On ne peut se targuer d'être le dépositaire légitime de la ligne du parti et se dérober au moment décisif. L'empressement des redresseurs à entériner la décision d'Ouyahia, le refus de tenir le CN en janvier, leur appel à éviter les troubles publics signifient qu'Ouyahia n'est pas encore parti, et la bataille au sein du RND ne fait que commencer. M. F