Elu en juillet dernier, le Congrès général national libyen (CGN), composé de 200 députés dont 80 issus de partis politiques, avait pour mandat de nommer un gouvernement de transition et de rédiger une constitution qui a fait défaut au pays pendant le règne de 42 ans du colonel Kadhafi. Or, en l'absence de consensus sur le mode de désignation de la commission chargée de la rédaction de la loi fondamentale, deux mois après la désignation du gouvernement, le processus est bloqué. Ce gouvernement, approuvé en octobre 2012, ne dispose pourtant que de 12 mois pour organiser de nouvelles élections sur la base de la constitution censée être alors rédigée et adoptée. Pour contourner la difficulté et tenter de sortir de l'impasse, le président du CGN, Mohamed Megaryef, a décidé d'ouvrir une large consultation avant de trancher. Mais la démarche ne fait pas l'unanimité, certaines parties estimant que ces délais supplémentaires sont dommageables pour le pays. Ainsi, dimanche, les députés de la principale coalition libérale ont décidé de boycotter les travaux de l'assemblée pour protester contre le retard pris dans la désignation de la commission constituante. Ils réclament, pour leur part, que les membres de cette commission soient élus. Les avis sont partagés, voire antagoniques, y compris parmi les observateurs internationaux qui s'intéressent au dossier libyen. Ainsi, selon une analyste de l'International Crisis Group, “il est préférable de prendre les choses calmement et de consulter les gens plutôt que de précipiter le processus et de s'aliéner l'opinion publique". C'est un tout autre point de vue que développe un observateur international des élections en Libye. Selon lui, avec ce retard, “on prolonge l'incertitude. (La) législation provisoire affecte tout : l'économie, les investissements et la justice". La décision de prendre le temps de consulter est néanmoins irréversible. Un comité spécial chargé de se rendre dans les différentes régions pour sonder l'opinion publique a été mis en place. Ses membres se rendront dans les trois régions historiques de la Libye, en l'occurrence la Cyrénaïque à l'est, la Tripolitaine à l'Ouest et le Fezzan au sud. La future commission constituante devant être composée de 60 membres issus, à égalité, de ces trois régions. Six mois après l'élection du Congrès général national, il bute déjà sur une simple procédure de désignation. Qu'en sera-t-il lorsqu'il faudra entamer les débats de fond, concernant la nature du régime, la place des régions et de l'Etat central, le traitement réservé à l'islam et la charia, la place de la femme et celle de la langue amazighe ? Tout prête à croire que les délais arrêtés pour l'adoption de la nouvelle constitution et pour l'organisation d'élections générales ne seront pas suffisants. Si l'on ne peut pas encore parler de crise, tous les ingrédients en sont néanmoins réunis. Et les démons de l'extrémisme religieux, de même que ceux de la tentation de la partition du pays pourraient se réveiller. M. A. B