Au rythme où vont les choses, le projet de Constitution risque de ne pas voir le jour rapidement avec les bouleversements qui ne font que retarder sa finalisation. La présidente de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) Kalthoum Kannou a révélé, samedi, des lacunes dans les principes généraux du chapitre dédié au pouvoir judiciaire dans l'avant-projet de la Constitution. Il s'agit notamment, a-t-elle précisé, de ne pas faire mention de l'immunité du juge et des standards internationaux en matière d'indépendance de la magistrature dans le texte de la Constitution. Dans ce sillage, “la justice militaire est considérée comme une justice spécialisée, alors que sa mission se limite à l'examen des crimes commis par les militaires lors de l'accomplissement de leur travail", a encore expliqué Mme Kannou lors d'un workshop organisé par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) sur le chapitre dédié au pouvoir judiciaire dans l'avant-projet de la Constitution. Dans le même temps, elle a également proposé de consacrer un chapitre dédié exclusivement à la Cour constitutionnelle dans la Constitution, dans la mesure où “cette institution judiciaire joue un rôle régulateur", s'étonnant, à cet égard, de ne pas intégrer cette cour dans la composition de l'instance de l'ordre judiciaire comme c'est le cas pour les autres ordres de juridiction. “Il est inadmissible de conférer l'immunité aux pouvoirs législatif et exécutif et d'en exclure les magistrats", a-t-elle averti. Pour sa part, la présidente du Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) Raoudha Laâbidi s'est dit étonnée de la suppression de l'immunité du magistrat mentionnée dans la Constitution de 1959 et de la constitutionnalisation du mécanisme de révocation qui, a-t-elle estimé, vient compromettre l'indépendance du juge. Cependant, le président de l'Assemblée nationale constituante (ANC) Mustapha Ben Jaâfar a affirmé au milieu de la semaine dernière que la future Constitution tunisienne sera basée sur le principe de la séparation des pouvoirs, la démocratie participative et la garantie de la primauté de la loi à travers, notamment la création d'une Cour constitutionnelle. S'exprimant à Genève à l'occasion de la 22e session du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, Mustapha Ben Jaâfar a souligné que la nouvelle Constitution est inspirée par une profonde conviction que la réalisation des objectifs de la révolution, la mise en place d'un régime démocratique et l'éradication de la dictature sont tributaires de la garantie des droits et des libertés. “La rédaction de la Constitution est une opération interactive, voire un dialogue culturel, social et politique", a-t-il dit, ajoutant que l'ANC veut s'inspirer des expériences étrangères pour élaborer une Constitution progressiste qui concrétise les objectifs de la révolution et prenne en considération les spécificités du peuple tunisien. I. O.