On voit monter depuis des années, essentiellement dans le nord de l'Europe, des mouvements populaires, xénophobes et anti-islam. Ces partis, essentiellement d'extrême droite, ont un point commun : la dénonciation de l'immigration musulmane et l'invasion du continent européen. Nous assistons, en effet, à une tendance lourde : la montée de mouvements minoritaires contestant l'ordre établi par les partis traditionnels. Ainsi, En France, 18% des électeurs, au premier tour de l'élection présidentielle de 2012, ont exprimé leur rejet de l'Europe et de l'immigration en votant pour Marine Le Pen. La crainte des partis traditionnels, c'est que des mouvements xénophobes en Europe trouvent un appui populaire plus important leur permettant d'accéder au pouvoir démocratiquement en s'adressant à ceux qui souffrent de la mondialisation, de la compétition économique et de la crise et aux xénophobes, donc aux populations les plus fragiles et les plus à même à croire à tout message providentiel du type : “Il n'y a qu'à...". En Europe, il existe un national-populisme très fort qui se confond avec une droite xénophobe importante. Cette dernière reproche à l'Europe son impuissance à protéger ses citoyens contre les effets négatifs de la mondialisation et le “laisser-aller" face à l'extension de la religion musulmane sur son sol. D'autres sont tentés par un repli sur eux-mêmes malgré l'adhésion à l'Union européenne. L'extrême droite nouvelle s'est donné pour mission de défendre l'identité du Vieux Continent contre le multiculturalisme et les musulmans. Pour eux, il existe un nouveau totalitarisme : celui du multiculturalisme qui conduirait les sociétés européennes à la soumission intellectuelle à un islam en passe de conquérir le Vieux Continent. Il s'agit d'une “nouvelle droite radicalisée". Le plus radical est Geert Wilders (16% des voix aux législatives de 2010 au Pays-Bas) qui considère l'islam non comme une religion mais comme une “idéologie fasciste", homophobe, profondément sexiste. En Norvège, Cal Hagen, dirigeant du Parti du progrès, déclarait en 2005 : “Les musulmans ont, de la même manière qu'Hitler, depuis longtemps dit les choses clairement. Sur le long terme, leur but est d'islamiser le monde (...). Ils sont maintenant en Europe." Il y a également d'autres partis qui incarnent cette tendance : les populistes scandinaves, la Ligue du Nord italienne, le Parti du peuple danois, le Parti du progrès norvégien... L'islam est devenu l'ennemi principal de cette droite extrême qui ne jure plus que par le choc des civilisations et du concept d'Eurabia. Selon Huntington, le monde ne va pas vers une extension des démocraties libérales, mais vers un affrontement généralisé entre grandes civilisations. L'avenir du monde est menacé par des conflits d'ordre identitaire et culturel. L'enquête du journaliste norvégien, Oyvind Strommen, montre bien l'obsession qui s'est emparée depuis le début des années 2000 d'une partie significative des droites radicales xénophobes. Il s'agit de la peur d'Eurabia, néologisme forgé en 2006 par l'essayiste Bat Ye'Or, désignant un continent et une culture européens soumis de pleins gré à l'islam et à son corpus de lois normatives, la charia, ayant renié leurs racines “judéo-chrétiennes" et de surcroît en voie d'être démographiquement submergés par les musulmans, au point que les Européens de “souche" deviendraient bientôt minoritaires. En effet, Eurabia affirme que l'Europe est en voie d'être absorbée par le monde arabe. Depuis les années 1970, une conspiration lierait les élites européennes et les pays musulmans producteurs de pétrole sur le thème “pétrole contre immigrés musulmans". Selon le counterjihad, il n'existe pas de musulmans modérés et met en évidence l'arme démographique : les musulmans vont envahir l'Europe car ils font plus d'enfants. L'une des figures les plus emblématiques de ce mouvement est le député suédois des Démocrates de Suède, un parti d'extrême droite entré au parlement en 2010. La renaissance nationale est l'élément central de cette idéologie, fondée sur l'affrontement entre chrétiens et musulmans. Le plus grave, c'est que “la manière dont les questions liées au multiculturalisme et à la présence de l'Islam sont désormais au cœur des formations politiques qui aspirent au pouvoir". La résurgence des partis nazis En Grèce, le 6 mai 2012, 7 % des électeurs ont envoyé au parlement 21 députés du parti néonazi “Aube dorée" dont le programme prévoit, entre autres, de miner la frontière avec la Turquie pour bloquer l'immigration. Ce parti promet d'expulser les immigrés hors de Grèce. Ce parti s'inscrit dans la filiation directe du Parti national socialiste allemand qui plongea l'Europe et le monde dans le chaos. Le seul parti qui assume son idéologie fasciste est “l'association Casapound" en Italie, ou le Jobbik hongrois. En Autriche, il y a aussi le FPO et en Hongrie, La garde hongroises, partis d'extrêmes droites qui vivent dans la nostalgie du III Reich. Ces partis masquent le discours sur l'inégalité des races derrière celui sur la lutte contre l'islamisation de l'Europe. Les actes individuels Lors des attentats du 22 juillet 2011, Breivik a tué 77 personnes : “Attaque préventive, au nom du peuple, contre des traîtres qui contribuent à la colonisation de la Norvège par l'islam". Selon lui, il “devait" accomplir son massacre des jeunes, puisque c'est leur parti qui mène une politique d'immigration trop libérale. Son projet consistait à sauver l'Europe du multiculturalisme, de la traîtrise des journalistes, des sociaux-démocrates et des libéraux. C'est à eux qu'il en veut, bien plus qu'aux musulmans, ces derniers ayant le choix, selon lui, entre la conversion et la déportation, de préférence volontaire. Il a souvent parlé lors de son procès de menace de guerre civile pour justifier son “attaque préventive". Il a beaucoup parlé aussi de renaissance nationale, de défense des droits des populations indigènes d'Europe. Il se revendique d'une doctrine, avec ses penseurs et ses relais : le counterjihad, une idéologie et un mouvement dans les faits largement anti-islam. Le counterjihad a adopté la thèse Eurabia (V., ci-dessus). La crise sublime la recherche de boucs émissaires La crise est-elle seule responsable de la montée des extrêmes, le paupérisme mène t-il systématiquement au populisme. La crise favorise la recherche de boucs émissaires et renforce la crainte du déclin, pourtant inévitable, du vieux continent. En réalité c'est un prétexte pour chasser le musulman hors d'Europe. En tout état de cause, l'arrêt de l'immigration et le renversement des flux migratoires sont justifiés pour les “extrémistes" et les “populistes" par la crise et par la récession, la crainte du déclassement social et le sentiment de délitement des repères culturels suscités par la mondialisation. M. F. Enseignant chercheur associé Sciences Po Aix (France) Professeur à l'ESAA (Algérie) Populisme, la pente fatale, Plon, Paris, 2011. P. Delwitt et Ph Poirier (sous la direct. de), Extrême droite et pouvoir en Europe, éd. De l'Université de Bruxelles, Bruxelles, 2007. Le choc des civilisations, Samuel Huntington, O. Jacob, 1997. La Toile Brune, Actes Sud. V. Y. Camus, politologue, spécialiste français de l'extrême droite.