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L'Europe face à la déferlante islamophobe
Idées : les autres articles
Publié dans El Watan le 16 - 09 - 2011

Mathias Hillion et Karim Rissouli, journalistes à Canal +, sont partis à la rencontre des partis d'extrême droite qui s'attaquent désormais à l'islam pour gagner des voix. Exit les nostalgiques du IIIe Reich, la nouvelle extrême droite a laissé l'antisémitisme de côté pour se jeter dans un nouveau créneau qui donne un second souffle à ces partis : les musulmans en Europe. Et ça marche.
En Suisse, Oskar Freysinger, quinquagénaire au look baba cool, est l'homme qui a porté le référendum anti-minaret. En Angleterre, un ancien groupuscule néonazi, le British National Party, s'est transformé il y a deux ans en English Defence League, un mouvement politique antimusulman. La même situation existe également en Hollande où le leader ultranationaliste Geert Wilders a réalisé de très bons scores aux élections tout en comparant le Coran au livre d'Hitler, Mein Kampf. La France n'est pas en reste avec le Front national qui progresse dans tous les sondages. Pour El Watan Week-end, Mathias Hillion nous raconte, pays par pays, qui sont et que veulent ces nouveaux croisés anti-islam dans le vieux continent.
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Grande-Bretagne :
-Pouvez-vous nous en dire plus sur l'English Defense League ?
L'English Defense League n'est pas un parti politique. C'est un groupe de pression britannique qui dénonce l'islamisation de la Grande-Bretagne. L'EDL est très majoritairement composée d'hommes blancs issus de la classe ouvrière. Un bon nombre d'entre eux sont ou ont été des hooligans. Ils organisent depuis deux ans et demi des manifestations violentes qui ont tourné à plusieurs reprises à l'affrontement avec des membres de la communauté musulmane.
-Qui est Tommy Robinson?
Tommy Robinson est le jeune leader de l'EDL. Il vit à Luton, une lointaine banlieue populaire de Londres. C'est un fils de commerçant qui s'est radicalisé après la manifestation de jeunes musulmans radicaux à Luton qui dénonçaient l'intervention britannique en Irak et en Afghanistan au cri de «British troops burn in hell !» (troupes anglaises, allez brûler en enfer !). Avec une poignée de radicaux dans les deux camps, Luton prend pour certains des airs de fief du choc des civilisations.
-La communauté musulmane, notamment algérienne, est importante en Grande-Bretagne. Y a-t-il eu des confrontations entre cette communauté et ce groupuscule raciste ?
Il y a eu des confrontations. A ma connaissance surtout avec des membres de la communauté pakistanaise.
-Vous démontrez aussi dans votre documentaire l'existence d'un discours ultraminoritaire chez les musulmans britanniques (Al Mouhadjiroun), des pro-Ben Laden, qui parlent en toute liberté. N'est-ce pas cette liberté d'expression toute britannique qui attise les extrêmes des deux côtés ?
C'est en effet une particularité britannique. La liberté d'expression est totale. On a à peu près le droit de tout dire. Andjem Choudary, figure de ce qu'on a appelé le Londonistan, leader d'Al Mouhadjiroun, est avocat de formation. Il sait parfaitement jusqu'où il peut aller.
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France :
-Ce qui pose problème dans l'Hexagone, ce sont les prières dans les rues ?
C'est ce que disent les militants d'extrême droite du Bloc identitaire et du Front national. Cela concerne pourtant moins d'une vingtaine de rues en France.
-L'islamophobie en France est incarnée par le Bloc identitaire. Qu'est-ce que c'est ?
C'est un groupuscule situé à la droite du Front national. Son leader, c'est Fabrice Robert. Un ancien élu FN qui copie les stratégies des partis populistes islamophobes européens.
-Le Bloc identitaire dénonce les collabos de l'islam en France. Qui sont-ils ?
Cette expression, c'est pour le BI une façon de dénoncer un prétendu complot non pas judéo-maçonnique (le grand classique de l'extrême droite) mais islamo-gauchiste cette fois. Une thèse partagée par Anders Breivik, le terroriste norvégien qui a fait un carnage à Oslo en juillet dernier.
-Ce Bloc a beaucoup inspiré Marine Le Pen, la patronne du Front national…
Le BI influence le FN, mais aussi certains membres de l'UMP. Leur dénonciation des prières de rue a été reprise par le FN, puis par le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant.
-Ce sont beaucoup plus des contingences économiques comme l'immigration clandestine en France qui attisent la xénophobie, pas forcément une idéologie purement anti-islam, non ?
Le discours anti-islam a un avantage pour l'extrême droite : il lui permet de dépasser le discours raciste anti-maghrébin classique qui choque une partie de l'opinion, et de surfer sur la valeur très française de la laïcité. Un comble pour l'extrême droite qui a longtemps dénoncé ce concept qu'elle considérait comme anti-chrétien.
-La droite populiste est-elle écoutée par Nicolas Sarkozy ?
La droite populiste est observée par Nicolas Sarkozy. La Droite populaire est le nom d'un groupe de députés UMP qui ont par exemple copié le Bloc identitaire en organisant un apéro saucisson-vin rouge à l'Assemblée cet été (deux ans après l'apéro saucisson-pinard que le Bloc identitaire comptait organiser dans le quartier de la Goutte d'or, finalement déplacé ailleurs sur ordre de la préfecture de police de Paris).
-Après la chute du communisme, est-ce qu'on n'essaie pas de trouver en Europe un nouvel ennemi en la personne du musulman ?
C'est la thèse du politologue Jean-Yves Camus. L'extrême droite a toujours eu besoin de bouc émissaire. Le musulman est devenu sa cible principale. Et c'est malheureusement payant électoralement dans de nombreux pays européens.
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Suisse :
-Vous avez enquêté en Suisse où l'islamophobie s'exprime par la voix d'Oskar Freyssinger de l'Union démocratique du centre. Ses thèses prennent de l'ampleur, pourtant la communauté musulmane est très réduite dans ce pays. Comment expliquez-vous cela ?
C'est en effet un mystère. L'explication de Freyssinger, grand gaillard d'extrême droite qui brouille les pistes avec son look de baba-cool, c'est que les Suisses préfèrent prévenir que guérir. En clair, lutter contre l'islam avant qu'une immigration massive ne complique un peu plus ce qu'il considère comme un problème. Un discours qui peut sembler paranoïaque. Il a pourtant permis à l'UDC de devenir le premier parti en Suisse en nombre de parlementaires.
-Freyssinger est un véritable idéologue : il a la conviction que son racisme est légitime. Quelles sont les principales thèses de son idéologie ?
Les mêmes que tous les leaders que nous avons rencontrés pour ce documentaire : leur stratégie, c'est d'attaquer l'islam au nom des libertés occidentales, des droits de l'homme, des droits des femmes, des homosexuels. Pour eux, l'islam est une religion et une idéologie rétrograde, et l'Europe, toujours selon eux, doit réagir pour ne pas devenir un jour un califat. Le discours est extrême, mais gagne du terrain sur le vieux continent.
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Italie :
-L'arrivée de harraga à Lampedusa accélère la déferlante anti-islam...
Lampedusa est devenu un symbole pour Marine Le Pen au moment des révolutions arabes. La preuve, selon elle, d'un début de déferlante musulmane sur l'Europe. Si des clandestins ont en effet transité par Lampedusa, on est loin d'une déferlante, dans les faits.
-La Ligue du Nord est en première ligne dans l'islamophobie ?
La Ligue du Nord fait partie des partis anti-islam. Parmi d'autres.
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Pays-bas :
-La Hollande est un pays réputé pour sa tolérance. Comment expliquez-vous l'émergence de partis islamophobes ?
Pour un jeune député d'origine marocaine que j'ai rencontré (séquence qui n'est pas dans le film), l'explication est simple : les Pays-Bas n'ont pas bien géré l'intégration. Chacun vit dans sa communauté. Et les tensions montent des deux côtés. Surtout en période de crise économique.
-L'idéologie anti-islam est incarnée aujourd'hui aux Pays-Bas par Geert Wilders. Qui est-il ?
C'est un dandy d'extrême droite (lui se dit populiste). Il est l'un des plus radicaux dans sa dénonciation de l'islam. Il est poursuivi en justice pour des propos et un film anti-islam. Il affirme par exemple qu'il n'y a pas de Bill Gates ou de Mozart musulman parce que l'islam nie toute liberté, et que sans liberté, il n'y a pas de créativité. Une thèse qui ne l'empêche pas de participer à la majorité de droite au Parlement hollandais.
-Pour lui, l'islam est une culture d'arriérés qui forme une aire géographique nommée Eurabia…
Eurabia, c'est une théorie conspirationniste développée par Bat Ye'Or. Selon cet auteur culte dans le milieu islamophobe européen et américain, il y aurait un pacte secret entre les dirigeants européens et des leaders musulmans des pétromonarchies pour imposer l'islam à coups d'immigration massive en Europe. L'aboutissement en serait, à terme, une Europe musulmane : l'Eurabia. Une théorie reprise sur internet, étayée par des pseudo-projections de taux de natalité comparés.
-Ses thèses sont-elles reprises ailleurs en Europe, notamment en France ?
En France, rares sont ceux qui s'aventurent aussi loin dans la théorie du complot. Le Bloc identitaire est cependant le groupe qui se rapproche le plus de ces thèses.


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