18h 40, hier. Bercée par une fine pluie de saison, Skikda s'apprêtait à s'abandonner à Morphée quand elle fut réveillée par de violentes explosions suivies de gigantesques flammes provenant de sa zone pétrochimique, la deuxième du pays. Le souffle des explosions a été ressenti dans tous les coins de la ville et de sa banlieue. Les vitres et les rideaux des habitations et des commerces situés dans un rayon d'une dizaine de kilomètres ont volé en éclats. Quelque 50 à 60 employés, entre techniciens et ingénieurs, qui assuraient le “quart de nuit”, au niveau notamment des unités 20 et 40, étaient encerclés par des flammes atteignant des centaines de mètres. De la combustion des énormes quantités de gaz liquide qui étaient en stock dans les bacs se dégageait une épaisse fumée d'une couleur typique blanchâtre. Des employés, assurant les “quarts” de la partie diurne du travail et habitant les alentours courent en direction du site qu'il est difficile d'approcher à cause des flammes. La majorité d'entre eux est sceptique : “Personne ne peut échapper à cet enfer” ! s'exclama en sanglots l'un d'eux. Juste après la première explosion, la ville de Skikda était sens dessus dessous. Tous les regards étaient braqués vers la zone pétrochimique, guettant les gigantesques flammes qui dévoraient une partie de son poumon économique et surtout ses travailleurs. Un quart d'heure après, le dispositif de secours a commencé à se mettre en place. Le plan Orsec de Sonatrach fut déclenché et une cellule de crise installée. Une procession d'ambulances, dont les sirènes déchiraient le silence d'une nuit d'horreur qui ne faisait que commencer, arpentaient la partie de la RN 41 qui relie la zone du sinistre à l'hôpital de la ville. Cette voie routière sera alors réservée uniquement aux secours. Presque au même moment, à 19h 15, c'est le branle-bras de combat au niveau de la délégation qui accompagnait le président Bouteflika dans sa visite à Constantine, située à 100 kilomètres du lieu du drame. Le ministre des Mines et de l'énergie, Chakib Khelil, dépêché par le président de la République, quitte la capitale de l'Est algérien en direction de Skikda, tout ému, la mine défaite. À 20 heures, une source proche des forces engagées dans les opérations de secours avance comme premier bilan des dizaines de victimes entre morts et blessés. Un bilan officiel, établi peu avant 22h, faisait état de 6 morts et de 71 blessés. Un quart d'heure après, l'hôpital est sous haute surveillance afin de contenir la foule composée de familles entières, venues, affolées, à la quête de nouvelles de leurs proches. On continue encore à ramener des cadavres et des blessés aux urgences. Même des camions sont utilisés pour la circonstance. Aux victimes directes du drame, dont le nombre ne cesse d'augmenter au fil du temps, viennent s'en ajouter d'autres : celles ayant subi des chocs psychologiques et émotionnels causés par l'événement. C'est dire l'ampleur du drame qui dépasse, selon un médecin de l'hôpital, les moyens de bord. Notre interlocuteur précisera d'ailleurs que les opérations d'évacuation des blessés vers les CHU de Constantine et d'Annaba venaient de commencer. Au moment où nous mettons sous presse, l'on s'interroge, sur place, s'il existe à la portée des secouristes les moyens nécessaires pour faire face à une telle catastrophe qu'aussi bien la ville que les spécialistes de Sonatrach n'ont jamais vécue auparavant. Skikda s'apprêtait à vivre sa nuit la plus longue. Z. R.