En matière d'emploi, ce qui apparaît le plus préoccupant aujourd'hui c'est la demande des primo demandeurs, s'agissant de la catégorie sociale la plus exposée au chômage (78,8% des chômeurs ont moins de 35 ans), et celle des wilayas du Sud, s'agissant des régions les plus déficitaires. Mais en vérité, malgré les résultats intéressants obtenus (le taux de chômage qui était de 30% en 1998, à la sortie du PAS, n'est plus que de 10% aujourd'hui) les problèmes structurels du marché du travail ne sont toujours pas traités. Parmi ces problèmes structurels qui persistent, il y a l'inadéquation entre l'offre et la demande d'emploi. Beaucoup reste à faire dans ce domaine malgré les institutions d'intermédiation mises en place et la libéralisation du marché du travail. Cette notion d'intermédiation doit d'abord être explicitée au lecteur. J'oserai faire, pour ma part, la comparaison avec l'intermédiation bancaire qui souffre également de retards de même ampleur, car ces deux intermédiations faiblement efficaces pour le moment produisent les mêmes effets négatifs. Elles constituent de véritables goulots d'étranglement pour la libération de la croissance en Algérie. En règle générale, cette problématique de l'intermédiation sur le marché du travail est traitée sous deux approches. La première approche est d'ordre macroéconomique. Elle analyse le processus d'intermédiation comme facteur explicatif des divergences entre offre et demande d'emploi en vue d'identifier les éléments de solution pour réduire ces divergences. La deuxième approche est d'ordre microéconomique et opérationnelle. Elle s'intéresse au “placement" des demandeurs d'emploi ; elle répond aux demandes exprimées par les employeurs et plus récemment son champ s'est même élargi à la “chasse aux têtes". Mais plus habituellement, elle consiste en l'accompagnement à la recherche d'emploi, y compris par des instruments aidés lorsqu'il s'agit de dispositifs publics. Je n'examinerai pour ma part que les politiques ayant pour objectif l'intégration des demandeurs d'emploi au marché du travail sans pour autant sous-estimer l'impact social des politiques d'attente ayant pour objectif, quant à elles, la gestion du chômage. Au préalable, illustrons par quelques exemples cette inadéquation entre offre et demande d'emploi. Dans le BTPH et l'industrie par exemple, l'Office national de la maind'œuvre(Onamo), transformé en Agence nationale de la main-d'œuvre par le décret n° 90-259 du 8 septembre 1990 avait répondu avec succès les premières années de l'indépendance aux demandes du marché du travail français et allemand. A l'inverse, à présent les déficits en main-d'œuvre qualifiée dans ces deux secteurs sont tels qu'on fait venir des dizaines de milliers de travailleurs étrangers. En amont, le système d'éducation et de formation s'est avéré déconnecté par rapport aux besoins actuels du marché du travail, contrairement aux politiques actives de formation de la décennie 1970 orientées vers les besoins du monde productif. Plusieurs pistes apparaissent pour améliorer et professionnaliser cette intermédiation. D'abord le moment est venu de faire un bilan de l'ensemble des institutions publiques d'intermédiation existantes (Anem, Ansej, Cnac, ADS, etc.) et des agences privées puisque l'Algérie, depuis la ratification en 2006 de la convention n°181 de l'OIT sur les agences privées, en a autorisé la création par décret exécutif n° 07-123 complété par celui du 24 avril 2007. A partir de cette évaluation il s'agira de mettre de l'ordre dans cette multiplicité coûteuse des acteurs, de corriger les dérives constatées dans les pratiques de l'intérim notamment, de construire des synergies entre ces différents intervenants et d'organiser le dialogue avec les partenaires sociaux. Deuxième piste : travailler par objectifs et par projets. En élaborant par exemple des projets spécifiques aux nouveaux besoins des bassins d'emploi des grands centres urbains (Alger/Rouïba, Constantine, Annaba, Sidi Bel-Abbès, Sétif/Bordj, Oran/Arzew etc.). La réhabilitation des capacités existantes et les nouveaux investissements de la relance industrielle dans ces sites supposent une prise en charge en amont et en temps voulu des besoins en ressources humaines qualifiées. Cela sera autant d'opportunités de travail qui seront offertes à des demandeurs d'emplois diplômés dont on aura ajusté au préalable les profils aux besoins industriels. Idem pour les autres besoins régionaux prioritaires (Sud, régions frontalières, régions enclavées) ou sectoriels (BTPH, services). Enfin dernière piste, la mise en place d'observatoires de l'emploi qui donneront en temps réel et de façon indépendante l'évolution du marché de l'emploi pour en anticiper les actions à promouvoir en matière de traitement des rigidités constatées. Dans ce contexte, la réactivité plus grande des agences privées pour répondre à des besoins spécifiques ou pointues complètera l'effet de masse apporté par une administration publique de l'emploi mise à niveau. Dans ce cadre le projet d'appui au secteur de l'emploi en Algérie (Pasea 2012) signé avec l'Union européenne (UE) qui a pour objectif “l'amélioration de la capacité de l'Anem dans la maîtrise de l'information sur le marché du travail, et le développement des moyens visant une meilleure transparence dans l'activité d'intermédiation sur le marché du travail" participe de cette amélioration. L'élaboration, avec le soutien du Pôle Emploi français, de la Nomenclature algérienne des métiers et emplois (Name) aussi. L'implication des partenaires sociaux dans cet exercice est aussi nécessaire. Le débat qu'organisera l'association Care sur “les enjeux de la réforme de la législation de l'emploi et des marchés du travail" l'illustre bien. Même si la flexibilité souhaitée devra être accompagnée d'une formation permanente visant à assurer l'employabilité des employés concernés. Comme quoi le sujet est plus complexe qu'il n'y paraît. Nom Adresse email