Après dix ans de flou et de polémiques, un trait de lumière commence à éclairer les contours du drame des moines de Tibhirine. Alors que le dossier coince entre les convictions des uns et “leur instrumentalisation politique", les supputations et les thèses impliquant l'Armée algérienne des autres, c'est un document signé par le réalisateur et correspondant de Marianne à Alger, Malik Aït Ouadia, et sa complice, la réalisatrice Séverine Labat, largement repris par le magazine hebdomadaire Marianne, qui sera diffusé le 23 mai sur France 3, qui a apporté ce nouvel éclairage en faisant appel aux témoins et acteurs de ce drame du 21 mai 1996 dont ont été victimes les sept moines trappistes de Tibhirine. “Le martyre des sept moines de Tibhirine" revient sur ce tragique épisode en s'appuyant sur le témoignage de certains membres du GIA dont des proches lieutenants de Djamel Zitouni, l'“émir" du groupe terroriste. Les deux journalistes-réalisateurs ont été à la rencontre de ces personnages qui maintiennent leur version des faits avec force détails sur le déroulement de l'incursion dans le monastère jusqu'à l'exécution au couteau et de sang-froid des sept religieux. Deux rescapés racontent l'enlèvement des moines, Mohamed Benali qui travaillait au monastère et Larbi Ben Mouloud enlevé et emmené avec les otages, le 26 mars 1996. Laïd Chabou, proche de Djamel Zitouni, Omar Chikhi, Fethi Boukabous, garde du corps de Zitouni, mais aussi Hassen Hattab et Benhadjar dont l'exécution des moines sera le principal motif de leur distance avec le GIA. Parce qu'ils contestaient les méthodes et les dérives de Zitouni, ces derniers vont créer chacun son groupe terroriste. Zitouni sera éliminé à son tour par Benhadjar en juillet 1996. Le témoignage de l'“émir" de Tablat, Abou Mohamed, apportera la preuve que les moines ont été “décapités" sur ordre de Djamel Zitouni — c'est lui qui a transporté les têtes et les a déposées à Médéa — après l'échec des négociations avec l'émissaire français, Jean-Charles Marchiani, et la rédaction du communiqué 44 dans lequel le GIA revendique leur exécution. Les rivalités et l'ego des politiques français ont joué un rôle dans ce drame, note le magazine qui rappelle la désignation de Marchiani, rompu à ce type de négociations et son envoi à Alger, loin des regards du gouvernement Juppé. Lorsque l'information est fuitée dans un journal français, Juppé ordonne la fin de la mission de Marchiani. Le contact est rompu avec Zitouni et son émissaire, Mustapha Abdallah, venu remettre la cassette (preuve de vie) à l'ambassade de France à Alger, disparaît dans la nature. Cette rupture est perçue par Zitouni comme un refus définitif de négocier la vie des otages contre la libération de Abdelhak Layada. Mais avertit le magazine, “cette fois encore, dix-sept ans après les meurtres, la polémique va faire rage. N'en doutons pas". Possiblement, mais avec moins d'intensité et loin du camp “qui tue qui" qui a intégré ce dossier dans son arsenal de bataille. D B Nom Adresse email