L'Algérie cultive le paradoxe persistant, d'avoir des banques en surliquidités alors que l'investissement productif reste sous- financé. Les autorités financières sont à la recherche des parades. La semaine dernière, un communiqué laconique de la Banque d'Algérie annonçait que le taux des réserves obligatoires des banques a été porté à 12% à compter du 15 mai. C'est la deuxième augmentation décidée par la banque centrale dans un temps relativement court, la précédente ayant eu lieu en 2012 où le taux de réserves obligatoire avait bondi à 11% contre 6,5% en vigueur depuis 2004. Sur un plan purement technique, la décision de la Banque d'Algérie est une mesure de bon sens, la “Banque des banques" joue un rôle de pompier en soulageant des banques commerciales publiques qui se trouvent assises sur des dépôts importants qui ne sont pas placés en raison, disent-elles le plus souvent, de l'absence de projets bancables. En excès structurel depuis 2002 Cette situation d'excès structurel de liquidités des banques algériennes est une tendance qui s'est imposée depuis un peu plus d'une dizaine d'années. Dans une allocution prononcée récemment devant les banquiers centraux africains, Mohamed Laksaci la faisait remonter à l'année 2002. Cette surliquidité est alimentée, d'une part, par l'importance des dépôts du secteur des hydrocarbures. Elle est, d'autre part, le résultat de l'augmentation de la collecte de l'épargne des particuliers, qui se développe à un taux moyen proche des 20% au cours des dernières années, stimulée à la fois par les injections de revenus des plans de relance publics et par une bancarisation de l'économie en progrès rapide. La Banque d'Algérie se charge de résorber l'excès de liquidités des banques contre une rémunération qui a d'ailleurs tendance à baisser. Outre les réserves obligatoires, la Banque d'Algérie assure également une “reprise de liquidités" sous forme de dépôts rémunérés qui sont passés au début de l'année d'une durée maximale de trois mois à six mois. Ce sont des instruments de la politique monétaire de la Banque d'Algérie destinés à absorber les excès de liquidités et à contenir l'inflation. Des flux importants reviennent ainsi vers la Banque d'Algérie au lieu de soutenir l'investissement. Les crédits à l'économie ne suivent pas Face à la progression des ressources des banques, les crédits à l'économie ne parviennent pas à tenir le rythme, même si des progrès en matière de crédits à l'économie ont été enregistrés. Ces crédits ont augmenté de 15 % en 2012 contre 14% en 2011. L'excès de liquidités reste un problème. “Cela veut dire que la capacité de la sphère réelle à absorber cet argent est faible", estime Abderrahmane Benkhalfa, ancien dirigeant de l'Abef. Et de fait, note un expert financier, la hausse du niveau des réserves obligatoires décidée par la Banque d'Algérie traduit de manière criante “l'impuissance des banques à utiliser efficacement les surplus dont elles disposent". Un casse-tête pour les autorités financières La persistance de cette situation tout au long de la décennie écoulée est la traduction d'une véritable crise de l'investissement productif. Elle est devenue au cours des dernières années un véritable casse-tête pour les pouvoirs publics qui ont testé successivement différentes solutions. L'encou- ragement des crédits en direction des PME a été l'un d'entre eux dès le milieu de la décennie écoulée marquée notamment par la mise en place des fonds de garantie qui peinent cependant à décoller véritablement. En attendant le développement du chantier de longue haleine du crédit aux PME, l'action des pouvoirs publics algériens en vue de résorber les surliquidités du secteur bancaire a pris au cours des dernières années des formes inédites et spectaculaires. C'est ainsi que depuis le début de 2011, l'Etat a donné instruction aux banques publiques de miser massivement sur la micro-entreprise. L'efficacité des mesures mises en œuvre dans le cadre de l'Ansej ou de la Cnac suscite cependant un certain scepticisme et attend encore des bilans et une évaluation objectives. Crédits immobiliers et investisseurs étrangers Une autre mesure spectaculaire a été l'adoption, dans le cadre de la loi de Finances 2010, d'un vaste dispositif de bonification des taux d'intérêt sur les crédits immobiliers. Ces derniers sont désormais fixés à 1% pour la plupart des épargnants. Le dispositif est opérationnel depuis le début de l'été 2011 et les premiers bilans indiquent un vif succès de cette opération. Une autre mesure concerne les investisseurs étrangers, qui sont fermement invités désormais à recourir aux banques algériennes pour le financement de leurs projets, dans le but de contribuer à la transformation de l'épargne locale en investissement. Les banques publiques au secours du Trésor Les décisions les plus lourdes de conséquences financières ont cependant été prises dans une période encore plus récente. Depuis la fin de l'année 2011, en vue d' utiliser leurs ressources financières excédentaires, les banques commerciales publiques sont en effet sollicitées massivement pour financer les investissements réalisés dans les infrastructures économiques et sociales en lieu et place du Trésor public qui assurait encore presque exclusivement ce rôle jusqu'à une période récente. C'est ainsi qu'on a vu d'abord la CNEP appelée au chevet de Sonelgaz dont elle finance depuis la fin 2011 les investissements en mobilisant ses excédents colossaux. Le dernier exemple en date est encore tout chaud ( voir encadré), il s'agit du rôle nouveau attribué au CPA en tant que “banque du logement". La banque du boulevard Amirouche va à ce titre prendre la tête de financements syndiqués assurés par l'ensemble des banques d'Etat au profit de la relance des programmes AADL et de logements promotionnels publics dont les montants devraient atteindre des niveaux considérables qui sont estimés aujourd'hui à plusieurs dizaines de milliards de dollars. H. H. Nom Adresse email