Plus de 105 personnes ont été tuées et près de 520 blessées depuis mercredi dernier à Kadouna, dans le nord du Nigeria, dans des affrontements entre chrétiens et musulmans extrémistes. Ces émeutes ont été déclenchées par la publication, le 16 novembre, dans un quotidien nigérian This Day d'un article associant le Prophète Mohamed au concours de Miss Monde prévu le 7 décembre à Abuja. Une Algérienne, Lamia est candidate au prix Miss Monde. Cet article qui suggérait que le Prophète des musulmans aurait pu choisir pour femme l'une des participantes à ce concours, a mis le feu aux poudres dans cette région peuplée majoritairement de musulmans hostiles à la tenue au Nigeria d'un tel concours. Plusieurs centaines d'entre eux ont incendié, mercredi dernier, les locaux de This Day aux cris de “Allah est grand”, protestant contre la parution de cet article dont le contenu est jugé blasphématoire, selon des agences de presse internationales. Un groupe de responsables musulmans modérés décrit le concours comme “une promotion impudique de l'immoralité par la nudité” et demande au président nigérian, Olusegun Obasanjo, de l'interdire. Le lendemain, une manifestation a dégénéré en attaque contre des églises et des magasins appartenant à des chrétiens. Plusieurs lieux de culte ont été incendiés ; des policiers et des soldats ont été déployés dans les rues de la ville. Hier encore, plusieurs véhicules ont été incendiés devant l'hôtel où sont hébergées les candidates au concours de Miss Monde par un groupe d'intégristes après la prière du vendredi. Le gouvernement nigérian, qui compte ester en justice le quotidien à l'origine des émeutes, a prolongé de 24 heures le couvre-feu décrété la veille à Kadouna. Le journal incriminé a publié, avant-hier, des excuses à la Une, invoquant une erreur dans “le processus éditorial” et implorant le pardon des musulmans. Les intégristes islamistes condamnent sans appel ce concours en l'assimilant à “un défilé de nues” obscène. La semaine dernière, le président nigérian avait été contraint d'annuler une entrevue avec les “reines de beauté” de crainte d'offenser les musulmans. Le Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique, compte 120 millions d'habitants se partageant de manière à peu près égale entre chrétiens (majoritaires dans le Sud) et musulmans (majoritaires dans le Nord). Les affrontements meurtriers entre différentes communautés religieuses déchirent le pays depuis vingt ans. La charia est en vigueur dans douze Etats du Nord depuis janvier 2000 après les élections de 1999 organisées à la suite de 15 ans de régime militaire. L'islamisme est entré ainsi dans la compétition politique. L'Etat de Zamfara dans le nord a été le premier à appliquer la charia avant d'être suivi par onze autres Etats de cette région. Après cette confrontation sanglante, à Kadouna, les ingrédients d'une guerre civile entre chrétiens et musulmans au Nigeria sont plus que jamais réunis. En dernière minute, on apprend que les services secrets nigérians ont procédé à l'arrestation des auteurs de l'article qui a déclenché l'ire des islamistes. A. C.