Dans cet entretien, l'expert international analyse le marché algérien des TIC, présente les nouvelles tendances IT et aborde l'apport de la 3G à la croissance des entreprises algériennes. Liberté : Comment analysez-vous le marché algérien des TIC en 2013 ? Philippe Ausseur : Il continue à progresser et les entreprises et organisations algériennes ont véritablement pris conscience de l'importance de ces technologies. La preuve, dans le baromètre que nous avons réalisé pour Med IT 2013, un chiffre illustre mes propos : plus de 65% des responsables interrogés déclarent des budgets TIC en hausse. Nous constatons également au travers de nos missions et de nos rencontres avec les dirigeants algériens que les TIC sont désormais réellement considérées comme des investissements cruciaux qui servent la stratégie et les performances des entreprises. Mais l'enjeu reste considérable et l'effort ne doit pas être relâché. L'interconnexion des systèmes, le suivi et la mise sous contrôle des processus, les échanges informatisés dans et hors de l'entreprise doivent rester des priorités. Il y a encore énormément de gains de productivité à réaliser à travers ces technologies dans les entreprises et organisations algériennes. Il est clair également que ces entreprises ont encore beaucoup de difficultés à consolider, optimiser et contrôler les échanges internes et externes. Les technologies existent, elles sont matures et il n'y a plus de frein à leur mise en œuvre. Quelles sont les nouvelles tendances 2013 sur le marché international des TIC ? Dix tendances clés ont été identifiées. On peut les regrouper dans quatre grandes catégories que sont la technologie, l'infrastructure, les réseaux sociaux et les clients et l'innovation. Pour la technologie, les tendances pour 2013 et les années futures se concentrent sur deux axes : l'optimisation avec la virtualisation et la consolidation des serveurs et la diminution des impacts environnementaux avec le "green IT". Les infrastructures vont continuer à être orientées par le "cloud computing", le "software as a service" et le "high performance computing". De nouvelles machines vont donc faire leur apparition avec des niveaux de performance très au-dessus des technologies actuelles. Les réseaux sociaux, l'internet 3D et une globalisation accrue de la demande clients vont impacter les investissements dans les TIC. De même, les technologies liées à l'analytique, au "big data" et à une meilleure et complète prise en compte de la mobilité vont fortement influencer l'innovation produits/clients des entreprises et donc leurs investissements informatiques et réseaux. Pensez- vous que l'introduction de la 3G en Algérie à partir de décembre prochain va révolutionner le marché algérien des TIC ? Je vois la 3G plus comme une évolution qu'une révolution. Cette une pierre indispensable à l'édifice TIC et qui contribue à l'essor et l'efficacité d'une économie. L'Algérie comble d'abord un retard qui était un véritable anachronisme et un frein au développement économique et la création de nouveaux services. Cette introduction va permettre la mise en œuvre de services et d'outils aujourd'hui inaccessibles. Les entreprises algériennes vont entrer de plain-pied dans la mobilité avec tous les avantages liés à cette abolition des frontières spatiales. On peut alors mettre en œuvre "l'entreprise étendue" et s'exonérer des contraintes de distances. Bien entendu, la qualité de service et les débits devront être au rendez-vous afin que la 3G réponde aux attentes et soit réellement un complément ou une alternative aux réseaux fixes. Avec la 3G, les entreprises algériennes vont pouvoir développer une stratégie des systèmes d'informations moderne et optimale et rejoindre leurs homologues étrangères. Dans bien des secteurs, la 3G est indispensable pour mettre en œuvre des outils d'analyse et de statistique, gérer efficacement sa force de vente et ses distributeurs, etc. La 3G doit donc d'abord être considérée comme un accélérateur des TIC. Comment voyez- les perspectives du marché algérien des TIC ? Je serais tenté de vous répondre avec malice : le marché algérien des TIC est condamné à progresser et plus vite que ses voisins ! Souvenez-vous ce que nous disions l'année dernière sur l'impact économique des TIC. Des études menées récemment ont démontré que l'utilisation efficace des produits et services TIC est un véritable accélérateur de compétitivité. De nombreux rapports (FIEEC, Syntec Informatique, AFDEL...) convergent pour démontrer qu'une économie comme la France bien irriguée par les TIC peut générer 1% au moins de croissance supplémentaire du PIB et plus de 500 000 emplois créés ou sauvegardés. Pour une économie comme l'Algérie, on peut raisonnablement penser que ces chiffres peuvent être doublés. C'est donc un véritable investissement, capable de générer des retours importants et rapides. Le choix est donc simple : si l'économie algérienne veut prétendre à une croissance plus importante et accroître ses performances et sa productivité, elle ne peut rester à l'écart des investissements TIC. Compte tenu de certains retards accumulés, elle doit accélérer plus fort que ses voisins les plus proches. Au niveau des entreprises, le potentiel des TIC est désormais quantifié. Des études menées par la Harvard Business School font apparaître que les sociétés qui disposent d'une fonction IT performante génèrent 7% de croissance en plus et une progression de leurs dividendes de plus 20%. Je pense donc que les entreprises algériennes doivent redoubler d'efforts et concentrer leurs investissements autour de la maîtrise des données et de l'information, la connectivité étendue, la mobilité et l'analytique. Que préconisez-vous pour réduire la fracture numérique en Algérie ? "Qui veut, peut", dit le proverbe. Il faut donc qu'à tous les niveaux de l'économie algérienne, cette volonté d'investir soit présente. L'Etat bien entendu a un rôle clé. Il doit stimuler, orienter les grands investissements d'infrastructures. Il doit aussi favoriser et encourager les investissements des entreprises. Pourquoi ne pas imaginer un crédit d'impôt TIC en Algérie ? Il faut que l'Etat montre que ces investissements sont stratégiques et sont une priorité. Il doit laisser le champ libre aux innovations et aux initiatives. Les TIC sont un potentiel immense de création d'entreprises innovantes et Med IT en apporte la preuve avec "Les Trophées de L'innovation IT". Mais ces entrepreneurs doivent aussi pouvoir se confronter aux autres créateurs de par le monde et avoir accès librement à toutes les technologies disponibles. Les TIC ne peuvent se développer dans un environnement trop contraint ! Mais si les entreprises doivent être encouragées et responsabilisées, elles-mêmes doivent poursuivre leurs efforts et ne plus considérer les TIC soit comme des dépenses, soit comme des gadgets coûteux. De ce point de vue, je crois que les mentalités ont vraiment changé et que les dirigeants algériens sont désormais pleinement conscients de l'importance de ces technologies dans la réussite de leur "business model" et dans les performances de leurs entreprises. Nom Adresse email