"L'histoire ne lui a pas accordé le rang qu'il mérite", dira de lui un de ses compagnons de combat, en l'occurrence le moudjahid Mohamed-Salah Bouslama. Il n'a pas tort. Car confiner, comme beaucoup continuent à le croire, Zighoud Youcef au seul rôle de penseur et meneur de l'offensive du 20 Août 1955 dans le Nord-Constantinois, c'est mal connaître ce génie qui a, à son actif, plusieurs opérations durant lesquelles l'armée coloniale a été mise en déroute. Les témoignages apportés hier au Forum de la mémoire du quotidien El Moudjahid, en collaboration avec Machaâl Echahid, ont montré que le stratège a réussi là où d'autres responsables de la Révolution ont échoué. Et ce n'est d'ailleurs pas fortuitement que Didouche Mourad, chef de la Wilaya II (Nord-Constantinois) l'a désigné comme adjoint. Zighoud Youcef, qui s'est distingué comme bon élève à l'école (il obtiendra le certificat d'études primaires), fait partie, comme le confirme l'un des intervenants, de cette génération qui n'a pas connu d'adolescence. De l'enfance, elle est passée directement à l'âge adulte en s'engageant corps et âme dans la cause nationale. Convaincant jusqu'à la moelle, il réussit dans sa politique de toucher les masses populaires. L'offensive du 20 Août 1955 en est une preuve irréfutable. Pour son ampleur, son caractère populaire, l'offensive du 20 Août 1955 marquera profondément la Révolution et l'entrée en scène des masses rurales fit irrémédiablement basculer l'Algérie dans le camp de la Révolution. Le plan insurrectionnel de Zighoud était, en effet, de lancer des offensives en attaquant les postes militaires et en déferlant sur les villes et les villages. Une stratégie à laquelle l'administration militaire coloniale n'a vu que du feu. Le sanguinaire Paul Aussaresse, un spécialiste du renseignement, a fini par avouer plus tard qu'"on nous a poussés à faire des c... et on les a faites", et de confier aussi que "le piège tendu à l'armée française a réussi". D'autres reconnaissances rapportaient textuellement : "Massacrer des innocents, c'était l'erreur à ne pas commettre. Nous étions dans une situation de maintien de l'ordre et non pas de guerre, il fallait faire régner l'Etat de droit, rechercher les coupables mais surtout ne pas exécuter des innocents." C'était l'erreur à ne pas commettre. Très clair. Le 20 Août 1955 en cette matinée de chaleur, Constantine semble paisible. À midi, des milliers de fellahs ont participé aux côtés des moudjahidine à l'attaque, notamment des postes de police, de gendarmerie, des bâtiments publics et des installations appartenant à des colons. Le choix de la date n'est pas fortuit, précise le Dr Zeghibi : il s'agissait pour Zighoud de desserrer l'étau sur les Aurès et la Kabylie. Aussi, cette date a été choisie pour ce qu'elle rappelait l'exil du roi Mohammed V pour faire savoir au gouvernement français qu'il y avait une coordination entre les pays du Maghreb. S'il est désolant de constater que la réaction de l'armée coloniale a été brutale en faisant 12 000 morts parmi la population civile et les moudjahidine, le résultat pour le FLN était atteint : les Algériens ont prouvé leur entière adhésion à la Révolution, la rupture était atteinte, le retentissement de cet évènement condamné par l'opinion internationale. On ne pouvait plus parler de rébellion isolée. Zighoud Youcef, qui priait Dieu de tomber au champ d'honneur, le sera lors d'une tournée d'organisation dans les unités placées sous son autorité, un certain 23 septembre 1956 à Sidi Mezghiche dans la wilaya de Skikda à l'âge de 35 ans. A. F Nom Adresse email