Benflis va parler. Après dix longues années de silence. D'après les réactions médiatiques, il faudrait s'en réjouir. Le salut est donc toujours dans les péripéties internes au système. Quand l'un faiblit, l'autre émerge. Là est l'utilité des "personnalités" du sérail : faire passer la relève clanique pour une alternance politique. Alors qu'un clan finissant s'occupe d'étendre sa tutelle pour mieux s'accrocher au pouvoir, des "partis" s'agitent aussi. Les uns revendiquent leur statut de partis du pouvoir, les autres se contentent de conseiller ce même pouvoir sur la manière d'organiser la transition vers l'inconnu. Et au moment où le régime entame ce passage vers nulle part, des restructurations et destitutions touchant l'armée et ses services de sécurité témoignent de soubresauts internes et attestent d'enjeux claniques sérieux. Médiatiquement présentés comme procédant d'une œuvre de démilitarisation de l'Etat, il est pourtant fort probable que ces évènements ne soient que des péripéties inhérentes à la logique de luttes de pouvoir qui a toujours déterminé l'évolution de l'architecture institutionnelle algérienne. Hormis la plateforme de la Soummam et la tentative démocratique de 1989, l'Algérie n'a jamais connu de textes fondateurs d'un projet politique. Et c'est justement à ces deux moments de l'Histoire que l'option d'une autorité politique civile a failli — par deux fois, donc — s'imposer. Les deux essais ont été contrariés par des putschs, par "le coup d'Etat permanent" inauguré avec l'assassinat d'Abane Ramdane et conclu par la mainmise de Ben Bella sur le bureau politique du FLN, puis par le détournement autoritaire et méthodique de l'arrêt du processus électoral de 1991 au profit du clan d'Oujda. Ce clan, aujourd'hui, n'est pas dans une divergence stratégique avec le DRS ou avec l'armée, en général. Le consensus de base garantissant la stabilité du système — la maîtrise de la rente et le contrôle policier de la société — n'étant pas remis en cause. Il se peut, cependant, que l'équilibre fût, quant à lui, objectivement remis en cause : le clan est confondu d'un niveau de prévarication jamais égalé, malgré la permanence "systémique" de la pratique de détournement et de corruption. Il se trouve que l'un des thermomètres qui mesurent cette fièvre prévaricatrice a manqué de discrétion, ces dernières semaines. Mais il faut dire que l'intervention de la justice suisse ou italienne rendait superfétatoire la publicité locale sur les affaires de corruption. Mais, peut-être, a-t-on compris qu'il fallait se réapproprier le contrôle des thermomètres, pour certains, ou les casser, pour d'autres. La garantie de la maîtrise politique d'une armée ne peut s'obtenir que par la démocratie. Cette condition a failli voir le jour entre le début 1989 et la fin 1991, avant d'être remise en cause par la concomitance du péril islamiste et de l'opportunisme clanique. Et faute de légitimité démocratique, le pouvoir a nécessairement besoin de l'armée. Comme l'armée a besoin d'un pouvoir "civil" pour couvrir sa fonction politique usurpée. C'est cet "arrangement" qui est certainement en cours de révision. Et, vraisemblablement, avec une certaine âpreté. C'est significatif de notre réalité présente : dès que l'on parle sérieusement de politique, l'on oublie les "partis" ! M. H. [email protected] Nom Adresse email