Les Américains, en optant résolument pour l'exploitation du gaz de schiste, viennent de bouleverser en profondeur le marché énergétique mondial. Ils visent deux objectifs, s'assurer une autonomie énergétique pour les besoins de leur économie, et dans le même temps, contrecarrer la domination russe dans le domaine gazier. La Chine, pour sa part, affiche ses ambitions et n'entend pas rester à la traîne de la bataille énergétique planétaire qui se profile à l'horizon. L'Europe hésite, la France marque un temps d'arrêt. Qu'en est-il de l'Algérie ? Le cabinet International CWC Group avait organisé en Algérie le 1er Forum international sur l'énergie, "Algeria Future Energy Conférence" à l'hôtel Hilton d'Alger, du 4 au 6 novembre, 2012, sous le thème "Libérer le potentiel énergétique de l'Algérie". Cette conférence, qui avait réuni, outre le ministre de l'Energie, les DG de Sonatrach et de Sonelgaz, des représentants de compagnies pétrolières étrangères ainsi que de nombreux experts et chercheurs dans le domaine des hydrocarbures, avait constitué une opportunité pour les autorités algériennes d'affirmer leur stratégie : "L'Algérie ne va pas être spectatrice des bouleversements qui sont en cours sur la scène énergétique internationale, elle a l'ambition de continuer à jouer ce rôle positif et constructif sur la scène énergétique et gazière dans le monde" avait déclaré Youssef Yousfi, dans sa déclaration inaugurale à cette rencontre. Par ailleurs, selon ce dernier, L'Algérie veut évaluer "avec précision" son potentiel de gaz de schiste, qui semble "considérable". Ainsi, dans un entretien accordé au quotidien El-Moudjahid, M. Yousfi affirme qu'une récente étude, place les ressources algériennes en gaz de schiste, en troisième position dans le monde, avec la possibilité de récupérer jusqu'à 20 000 milliards de m3. "Cette étude n'inclut pas les hydrocarbures compacts dont les ressources s'avèrent considérables. La phase d'exploration est beaucoup moins difficile que celle du gaz conventionnel, mais l'exploitation de ce type de gisements requiert des techniques et technologies adaptées", précisant que ces techniques d'extraction, en l'occurrence le forage horizontal et la fracturation, "sont des techniques fiables et éprouvées, et leur futur développement en Algérie bénéficiera des avancées technologiques réalisées, de par le monde, par les compagnies qui opèrent dans ce domaine". En vérité, nous sommes en présence de deux thèses. Les responsables du secteur de l'énergie qui affirment que les réserves conventionnelles des hydrocarbures de l'Algérie sont modestes mais ne se situent pas à un niveau pessimiste, et les experts qui prédisent leur tarissement à l'horizon 2020. Dans le même temps, l'Agence internationale de l'énergie(AIE) nous dit que les Etats-Unis deviendront le 1er producteur mondial d'hydrocarbures de la planète vers 2020, notamment en gaz de schiste et un exportateur net de brut vers 2030. Ils sont déjà talonnés par la Chine, qui accélère son programme de développement des gaz de schiste. Les réserves exploitables s'élèveraient à près de 35 000 milliards de mètres cubes sur le territoire chinois. Soit une quantité supérieure à celle présente aux Etats-Unis, environ 25 000 milliards de mètres cubes. Dans cette reconfiguration stratégique du secteur énergétique mondial, où se situera l'Algérie à l'horizon 2030 ? Telle est la question qui taraude les experts et la classe politique qui ne cessent de réclamer un débat national à ce sujet. À l'évidence, l'Algérie dispose d'atouts qui lui permettent de se hisser au niveau des pays émergents, si elle "ose" réformer son système politico-économique en se libérant de la camisole de la rente. Dans une telle perspective, nos ressources énergétiques fossiles et renouvelables constitueront un appoint non négligeable, qui viendront en sus des richesses créées par le travail. Comment peut-il en être autrement, alors qu'elle dispose de réserves prouvées de 12,2 milliards de barils de pétrole et 159 Trions de pieds cubes de gaz à janvier 2010, selon le Oil and Gaz Journal. Elle se positionne respectivement dans ses deux ressources énergétiques, à la troisième et la deuxième place des réserves africaines après la Lybie et le Nigeria. Dans le domaine gazier, notre pays détient la 10e plus grande réserve mondiale. Face au leadership des Etats-Unis et de la Chine , quelle place pour l'Algérie ? Il est donc normal, que cette question focalise les attentions du pouvoir et préoccupe la société et la classe politique. D'autant que dans un passé récent, l'opacité découlant de la "sacralisation" de cette ressource, a favorisé toutes les dérives politico-financières que tout le monde connaît. S'agissant des réserves mondiales en hydrocarbures, les experts et spécialistes des questions énergétiques fossiles, prédisent un tarissement de ces réserves à l'horizon 2030. Dans le même sillage, pour d'autres spécialistes, les années 2030 seront marquées par le pic de la production d'hydrocarbures qui ne pourrait dépasser les 100 (MBA) milliards de barils /an, alors que la dépendance énergétique au même horizon, des USA (68 ,5%) de l'Europe (68 ,6%) de la Chine (73,2%) ...ira en s'accroissant, ce qui ne manquera pas de générer de nouvelles tensions et de nouveaux conflits à l'échelle planétaire. L'intervention récente de l'Occident en Lybie, est un exemple probant. À l'horizon 2020, les USA et la Chine, domineront le marché mondial du gaz et imposeront leurs prix sur la base d'un consensus qu'ils négocieront notamment avec la Russie. Dans ce cas ; que deviendront les moyens et petits producteurs tels que l'Algérie ? La problématique est simple. Ou le système politique algérien "rentier", change, en anticipant et en collant aux nouvelles réalités géostratégiques mondiales, ou il sera inéluctablement balayé, pour céder le pouvoir aux forces du travail et créatrices de richesses hors hydrocarbures. Telle est la question. Et c'est pourquoi un débat national sur la politique énergétique est urgent. A. H. Nom Adresse email