Liberté : Pour en avoir été le sélectionneur à des périodes différentes, le fait que la Belgique eut hérité de l'Algérie dans sa poule du 1er tour du Mondial brésilien doit certainement susciter chez vous une certaine émotion... Georges Leekens : Absolument ! Je suis même tellement content des résultats de ce tirage au sort ! Hériter de l'Algérie en Coupe du monde me réjouit autant qu'il permettra à la sélection belge de découvrir le football algérien. Surtout qu'ils ne sont pas nombreux les Belges à connaître grand-chose sur le football algérien, la plupart étant branchés sur ce qui se fait en Europe uniquement. Me concernant, je suis partagé entre la Belgique et l'Algérie. Contrairement à ce que pourraient penser vos compatriotes, j'ai gardé une très belle image, très positive, de mon passage en Algérie. J'y ai tissé des liens très forts et gardé jusqu'à présent des relations fortes et un contact permanent avec beaucoup de personnes, notamment le président de la FAF, Mohamed Raouraoua, qui mérite le plus grand respect, particulièrement après tout ce qu'il a fait pour le football en Algérie. L'Algérie est désormais dans la cour des grands et participe pour la seconde fois consécutive à la Coupe du monde. À votre sélection de savoir tirer profit de ce contexte pour s'illustrer au Brésil et, pourquoi pas, défrayer la chronique sportive. Quel regard portez-vous justement sur cette poule H, ses favoris ? C'est un groupe très équilibré. Le constat est clair. Bien que la sélection belge en soit la tête de série et qu'elle détienne un léger avantage, je ne vois toutefois pas de favori qui se dégage. En Coupe du monde, la vérité du terrain est souvent toute autre. Il ne faudrait, de fait, sous-estimer aucun des trois adversaires. Car, même si c'est toujours plus facile d'hériter de sélections de modeste calibre, en football, rien ni personne ne vous garantit un succès à l'avance ! Le football est tout sauf une science exacte, raison pour laquelle j'exhorte les Belges à ne pas faire preuve d'optimisme béat ou de trop verser dans l'euphorie. En Belgique, l'on est visiblement content des résultats de ce tirage au sort... Parfaitement et peut-être même un peu exagérément ! Tout le monde est en fête après avoir pris connaissance du tirage au sort. Après le parcours réussi en éliminatoires, les Belges croient fermement qu'ils possèdent une sélection qui écrasera tout sur son passage. D'ailleurs, en Belgique, les différents et multiples supports médiatiques ignorent tout bonnement la sélection algérienne, ses potentialités et ses réserves. Au lieu de se vexer, votre EN peut le prendre comme un avantage certain. En Belgique, on se focalise surtout sur la Russie et la Corée du Sud. Pour être très bien plus placé pour le savoir, car j'ai suivi le parcours de l'Algérie lors des éliminatoires et j'avais même prédit sa qualification face au Burkina Faso de mon compatriote Paul Put, j'estime que les Verts forment une sélection à prendre très au sérieux et dont il faudra se méfier. Enormément. À l'issue du tirage au sort, Marc Wilmots affichait d'ailleurs très clairement sa méconnaissance de l'Algérie, déclarant notamment "n'en avoir aucune idée"... Marc est une vielle connaissance. C'était mon joueur, devenu, par la suite, mon adjoint avant, au final, de me succéder sur le banc de touche de la sélection belge. Son parcours, son vécu et son passé démontrent qu'il jouit d'une grande expérience du football de haut niveau. Mais Wilmots n'a rien dit. Ou plutôt n'a rien voulu dire. Je vous atteste, pourtant, qu'il connaît très bien l'Algérie qu'il avait même affrontée à Bruxelles à l'occasion d'un match amical entrant dans le cadre de la préparation pour la Coupe du monde 2002 qui s'est, du reste, soldée par une parité vierge. Marc a, de fait, une idée précise sur le jeu algérien. Et comme je le connais très bien, je sais de quelle sorte il réfléchit. Il est, tout simplement, en train de brouiller les pistes. Je parie même qu'au moment où je vous parle, il a déjà chargé certains de ses collaborateurs et hommes de main de tout préparer sur l'Algérie, son actualité, celle de ses joueurs. Il ne commettra pas la bêtise de sous-estimer, encore moins d'ignorer, la sélection algérienne. D'autant plus qu'outre cette confrontation au stade du Roi-Baudouin, j'avais organisé un match amical à Annaba face à la Belgique. Les deux équipes se connaissent donc bien. De par votre statut, l'on suppose logiquement que l'URBSFA (la Fédération belge) et Wilmots vous solliciteront assurément pour obtenir un maximum de renseignements sur la sélection algérienne... Absolument pas ! Ils ont des personnes compétentes pour le faire. Je serai d'ailleurs étonné qu'on me fasse appel étant donné que je suis loin de l'Algérie. Les moyens, via les technologies ultra-modernes, ne manquent d'ailleurs pas pour réunir les informations nécessaires à même de bien étudier un futur adversaire. Grâce à Internet, ils peuvent avoir accès aux informations qu'ils souhaitent. Vous demeurez, toutefois, le mieux placé pour parler de la Belgique aux Algériens... Je dirais que la force majeure de la sélection belge est son noyau. Tous les joueurs composant le groupe des vingt-trois possèdent un niveau mondial. À l'instar de Kompany, Hazard et Lukaku, la Belgique peut compter sur des joueurs de grand talent qui ont beaucoup progressé dernièrement. En atteste le classement Fifa qui place les Diables rouges au 11e rang mondial. Cela, en partie, grâce à la présence au sein de l'effectif de gardiens de classe planétaire comme le jeune Thibault Courtois, élément de base de l'Atletico de Madrid et digne héritier du voisin Van Der Sar. Côté jeu, le pressing haut, ne jamais laisser d'espace à l'adversaire, jouer court, s'appuyer sur une condition physique irréprochable et une vitesse d'exécution redoutable leur permet de prendre leur adversaire en contre-attaques et marquer, ainsi, beaucoup de buts. Cette sélection, c'est vraiment du lourd. Je dirais même que la Belgique possède en Hazard et compagnie l'une de ses meilleures et plus prometteuses générations. Elle a largement le talent et les moyens de rivaliser avec les grands de la planète football, que ce soit l'Allemagne, le Brésil, l'Espagne ou la Hollande. R. B. Nom Adresse email